LA LEGENDE DE SAINT JACQUES
A COMPOSTELLE. |
| Cette belle légende fut patiemment perfectionnée entre les VIIIe
et XIIe siècles. Elle se décompose en plusieurs parties racontées dans
des textes épars :
- La prédication en Espagne.
Après la mort du Christ, les "Actes des apôtres" font état de la dispersion
des disciples du Christ afin qu'ils aillent évangéliser le monde. A Jacques
échoit l'Occident. Il arrive en Espagne mais sa mission échoue.
- Le retour à Jérusalem et le martyre.
Il revient à Jérusalem où sévit la persécution des chrétiens. Il refuse de se soumettre au magicien Hermogène qu'il convertit. Il est arrêté et condamné à mort. Sur le chemin du martyre, il convertit encore son gardien, Josias. Il est décapité.
- La Translation miraculeuse du corps en Galice.
Ses amis placent son corps sur un bateau de pierre sans voile ni gouvernail et embarquent avec lui.
Avec la seule aide de Dieu, ils arrivent dans une ria galicienne. Un roi et une reine païenne refusent de leur concéder une terre pour inhumer Jacques et cherchent à les tuer. Mais les saints hommes triomphent de tous les périls :
le roi meurt et la reine se convertit. Le corps est enterré en lieu sûr et oublié.
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- "L'Invention" du tombeau.
Au IXe siècle, un ermite nommé Pelage reçoit la révélation du lieu du tombeau signalé par des lumières surnaturelles. Alerté, l'évêque Théodomir décide de trois jours de veille et de prières et ordonne de procéder aux fouilles. On trouve le saint corps.
- La chronique de Turpin et le Livre des miracles.
Cette chronique (dite au XVIIIe siècle du Pseudo-Turpin, lorsqu'on s'aperçut que c'était un faux) fut écrite vers 1120. Elle raconte comment Charlemagne, se reposant à Aix-la-Chapelle, reçut de saint Jacques l'ordre de venir délivrer son tombeau alors aux mains des Infidèles. L'apôtre indique comme itinéraire la Voie Lactée ou Chemin de Saint-Jacques. Charlemagne obéit et délivre le tombeau mais, au retour, subit la cuisante défaite de Roncevaux. Certains manuscrits ajoutent la liste des lieux où vénérer les corps des martyrs de Roncevaux.
Cette chronique, augmentée du récit de la Translation et complétée d'un récit de 22 miracles fut recopiée dans de nombreux manuscrits dispersés en Europe.
Vers 1160, le manuscrit de Compostelle (appelé Livre de saint Jacques ou Liber sancti Jacobi ou Codex Calixtinus) rassembla tous ces textes et fut augmenté d'une volumineuse partie de sermons et liturgie ainsi que du Guide du pèlerin attribué à Aimery Picaud. Ce guide ne figure dans aucun autre manuscrit.
C'est pourtant lui qui a accrédité l'idée de quatre itinéraires en France. Or il y fut totalement inconnu jusqu'à sa traduction en 1938, la transcription latine du XIXe siècle étant restée confidentielle. Hors de France, il n'a été recopié intégralement que deux ou trois fois, en Espagne et en Italie. Ainsi se fait l'histoire ... quatre routes ignorées du monde médiéval sont devenues " historiques " au XXe siècle.
LA MULTIPLICITE DES RELIQUES
AU MOYEN AGE. |
carte des reliques
de saint Jacques
voir l'article sur les reliques |
Cette légende si bien construite connaît
un bel essor, même si elle se trouve infirmée par plusieurs autres
histoires du corps de saint Jacques. Car saint Jacques possède un
don d'ubiquité. Rien qu'en France, on compte trois tombeaux, neuf
têtes et de nombreux membres ! Qu'importe… L'Eglise médiévale est
impuissante à doter chaque relique d'une identité distincte alors
qu'en chacune d'elle les fidèles ne voient que celle de l'apôtre,
Majeur et Mineur confondus. Les pèlerins ne sont pas dupes et savent
relativiser : sur le chemin de Compostelle, Jean de Tournai, en
1490, écoute chaque légende et conclut fort bien en affirmant que
tout cela n'a guère d'importance car " de toute façon, saint Jacques
est au Paradis ".
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Le clergé admet que ces reliques répondent à une demande profondément
humaine et accepte, ainsi que le dit le grand théologien Jean Gerson
" les quantités innombrables de têtes de saint Jean-Baptiste et
de corps des saints Benoît, Madeleine, Lazare et d'autres encore
". Et il déclare " louables les intentions de ceux qui les honorent
".
Il fut rejoint en cela au XIXe siècle par le père Henri Lacordaire
qui, à propos de la présence de Marie-Madeleine à la Sainte-Baume
écrivait :
" je ne sais pas si elle y est venue, ce
que je sais, c'est qu'elle y est ".
présentation d'un article
de Mgr Duchesne écrit en 1900
un commentaire du Père Pierre
Fournier, janvier 2003
Invitation à participer à un
échange sur les reliques.
Denise Péricard-Méa |
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