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Accueil mise à jour le 9 septembre, 2005 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente
 

Saint Jacques à Lorgues, en Provence

A Lorgues (Var, arr. Draguignan), trois lieux sont voués à saint Jacques.
Sont-ils liés à Compostelle ? Rien ne l’indique mais peut-être ? Mais liés indiscutablement à la route et au voyage et, sans doute aussi, à la maladie, à la mort et au passage vers l’Au-delà. A Lorgues se mêlent d’une manière exceptionnelle histoire, légendes et textes sacrés, ressuscités par l’architecture et par l’image. Un patrimoine reconnu, entretenu et animé depuis 1972 par «l’Association de Sauvegarde de Saint-Ferréol et du Vieux Lorgues» (ASFVL) et, pour Saint-Jaume, par l’amicale «dei San-Jaumian». Parmi tous les membres très actifs, Christian Delseray diffuse les textes qu’il a pu rassembler pour mobiliser tous les partenaires indispensables à ces restaurations longues et coûteuses et fait revivre ces lieux.

Saint-Jaume

chapelle Saint-Jaume
chapelle Saint-Jaume
autre architecture caractéristique d'église de pèlerinage

A l’embranchement de la route médiévale reliant Grasse à Brignoles soit par le Thoronet soit par Carcès se dresse, depuis la fin du Moyen Age, cette petite chapelle vouée à saint Jaume (saint Jacques en provençal, tout comme en catalan). Un chevet plat, une porte d’entrée précédée d’un porche assez large pour abriter des groupes de voyageurs. Autour d’elle s’est peu à peu construit un hameau qui a adopté son nom. Comme il est fréquent, les textes sont rares, et bien tardif. Déclarée Bien National à la Révolution, la chapelle fut vendue mais, témoignage de l’attachement qu’on lui portait, les habitants du hameau se sont cotisés pour l’acheter. En 1842, les paroissiens se sont à nouveau mobilisés pour doter le campanile d’une cloche neuve, ornée d’un Christ et d’un saint Jaume. Jusqu’en 1910, il y eut un desservant pour y dire la messe du dimanche.

L’Inventaire de 1906 donne des précisions, en particulier celle que, à cette époque, la chapelle était celle d’un prieuré de femmes :

La chapelle rurale de Saint-Jaume est située à environ 4 km. de Lorgues sur l’ancienne route de Brignoles. Elle est orientée du midi au nord… précédée d’un porche. Dans l’intérieur, un autel en bois avec au-dessus un tableau représentant saint Jacques, une croix, 6 chandeliers, 10 rangées de chaises fixes, 6 chaises mobiles, un placard avec fleurs et vases pour ornements et une petite statue de la Vierge… contre le mur à droite, un tableau représentant saint Félix (sans valeur). Un calice est déposé chez la prieuresse (droits réservés)

Une chaîne de protection attachée à la sauvegarde de cette chapelle.


En 1954, le porche s’écroule. Vingt ans plus tard, l’ASFVL le reconstruit entièrement. L’inauguration a lieu en grande pompe le 1er mai 1974. En cette même année 1974, l'inventaire de 1906 est complété par l’ASFVL et permet de préciser que le tableau au-dessus de l’autel porte la signature du peintre L’Ecuyer de Paris (1810 ou 1610) sur lequel se lisent les noms des prieurs probables : JB Simon, JS Blanc, JB Code trois fois écrits, et une inscription incomplète sur les lys de la monarchie his lilia… L’image montre sans ambiguïté que la chapelle se reconnaît pour patron les deux saints Jacques, Majeur et Mineur, et semble rappeler que deux pèlerinages y avaient lieu, le 1er mai et le 25 juillet, ce qui était une coutume très fréquente. Au-dessus, la Vierge, celle du Protévangile que l’on retrouve tout à côté, à Notre-Dame de Benva…
Le carrelage du porche est posé en 1982 et le campanile réparé en 1990, toujours par la même association. En 1995, l’intérieur est refait par l’amicale «dei San-Jaumian». Ces efforts collectifs permanents témoignent d’une singulière persistance d’une mémoire collective particulièrement attachée à la vie de ce sanctuaire. Il est impossible de n’y pas voir un antique lieu de pèlerinage où se rendaient sans doute les habitants du hameau et ceux des paroisses voisines, occasions de rencontres, de fête et de dévotions collectives.

Notre-Dame de Benva

Notre Dame de Benva à Lorgues
Notre Dame de Benva à Lorgues
devant la chapelle une voûte enjambait la route 


 
à gauche en entrant dans la chapelle, saint Jacques accueille le voyageur

Comme souvent, saint Jacques et Notre-Dame se trouvent associés dans cette chapelle, sans doute à cause du Protévangile de Jacques.

 

Une chapelle isolée dans la campagne de Lorgues, près du hameau des Salettes, modeste édifice auquel est accolé un porche qui enjambe une petite route, depuis la fin du XVe siècle. Outre Notre-Dame, il est mis sous la protection de deux saints du voyage, saint Christophe et saint Jacques, d’où le vocable de la chapelle : Notre-Dame de Benva, Bona via, autrement dit Notre-Dame du bon voyage. Ce porche hospitalier était bien fait pour retenir les passants car il leur offrait un décor peint aujourd’hui dégradé. Au tympan de la porte d’entrée, l’Annonciation. La voûte est peinte d’un ciel étoilé avec les quatre évangélistes autour d’un soleil à rayons ondulés. Sur le côté, un dragon à tête de crocodile combattu par saint Georges et sainte Marguerite. En pénétrant dans la chapelle, saint Jacques accueille le visiteur qui se trouve plongé dans l’atmosphère des fins dernières : sur la voûte, l’Enfer et le Paradis, avec la Jérusalem Céleste, au-dessus de la porte, le Purgatoire. L’archange saint Michel pèse les âmes en écrasant Satan.
Le «voyage» évoqué ne serait-il pas le voyage vers l’Au-delà, le grand passage ? Ce programme iconographique n’est pas sans évoquer le rôle de saint Jacques (ni celui de saint Christophe) comme passeur des âmes, développé par exemple au XIIIe siècle dans la vision de Turkill, une légende anglaise attribuée à Ralph de Coggeshall et diffusée en France par Matthieu Paris.

Dans l’évêché de Londres, vivait un paysan nommé Turkill connu pour son sens de l’hospitalité. Un jour, alors qu’il travaillait dans son champ surgit près de lui un étranger qui lui demanda où il pourrait passer la nuit. Turkill lui propose sa maison. Mais l’étranger se présente comme Julien l’Hospitalier et annonce qu’il va le conduire au “seigneur saint James”. La nuit venue, Turkill est éveillé par Julien qui lui dit : —“Laisse ton corps ici, ton âme seule part avec moi. Mais pour que tes amis ne te croient pas mort, je vais laisser un souffle de vie dans ton corps”. Au bout de deux jours et deux nuits, ils arrivent dans un cloître au centre duquel jaillit une fontaine. Là, saint Jacques se présenta à eux avec une mitre sur la tête et les fit accompagner pour une visite des demeures des Mauvais et des Bons. Ayant dit cela, il disparut. Ce cloître est le lieu de rassemblement de tous les Esprits en partance. Vers le Nord se trouve l’Enfer, où les âmes agrippent le mur afin de n’être pas emportées par les rafales d’un vent lugubre. Vers l’Est s’ouvre le Purgatoire. A l’Ouest le Paradis, à la porte duquel se trouve saint Michel accueillant les âmes pures et blanches. Côté Sud, les âmes fatiguées attendaient les prières de la foule.

Ce texte n’a-t-il pas été l’une des sources d’inspiration du peintre ou des commanditaires : le monde rural, la présence de saint Jacques et saint Michel et les représentations de l’Enfer, du Paradis et du Purgatoire ? Même les orientations présentent des similitudes. Que disent l’histoire et la légende ? L’histoire, rien, mais Christian Delseray évoque deux épisodes légendaires, impossibles à dater. L’un fait état d’une jeune fille nommée Espérite, enlevée par un dragon. L’endroit est en un point bas, près d’une source… ce qui n’est pas sans rappeler d’autres lieux où saint Jacques triomphe des dragons cachés dans les eaux…
L’autre légende fait état de cette chapelle comme ayant été un ex-voto offert par une riche famille de Draguignan en remerciement de la guérison d’un enfant malade. Avant cette chapelle, n’y aurait-il eu qu’un culte dans la grotte devenue aujourd’hui la sacristie ? Un royaume des morts en miniature, peut-être une nécropole ? On retrouverait alors saint Jacques gardien du royaume des morts… L’enfant serait-il mort et ressuscité ? Saint Jacques a déjà réalisé ce miracle !

Ces trois lieux, triples comme la Trinité, gardent leur mystère, et plongent le pèlerin d’aujourd’hui dans ce monde médiéval du merveilleux, peuplé de dragons, de jeunes filles déshonorées, de sources dangereuses, de grottes menant vers les Enfers. Un grand miracle est que saint Jacques a réussi à ne pas disparaître tant il a marqué la mémoire collective. Aujourd’hui Compostelle éclipse trop ces chapelles locales dont certaines n’osent même plus fêter le saint Jacques du 25 juillet (y compris celle de Notre-Dame de Benva pourtant liée aussi à saint Christophe). Pourtant ce sont elles qui ont fait la gloire du grand sanctuaire, la légende de chacune chapelle ayant alimenté celle de Compostelle comme les étoiles rassemblées dans la Voie Lactée montrent le grand chemin arpenté par saint Jacques.

L’hôpital Saint-Jacques à Lorgues

Aujourd’hui maison de retraite, cet hôpital fut autrefois voué à saint Jacques, ainsi qu’en témoigne la statue du saint placée à l’entrée. De nombreux établissement furent voués à ce saint, non parce qu’ils accueillaient, comme partout, des pèlerins, mais parce que l’Epître de Jacques fut à l’origine de l’Onction aux malades.

Christian Delseray pour l’ASFVL
et Denise Péricard-Méa pour la Fondation
Septembre 2003

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