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La présence des reliques de saint Mathurin à Larchant semble avoir attiré très tôt des chrétiens en quête d'un soutien, d'une aide, d'une guérison. Mais ce n'est qu'à partir du XIe siècle que le pèlerinage prend véritablement de l'ampleur, avec l'arrivée des chanoines de Notre-Dame de Paris comme seigneurs du lieu et grâce à la diffusion de Vies du saint (la première a été écrite au IXe siècle) qui agrandit l'écho des miracles opérés par lui.
• Les pèlerins de Larchant • Saint Mathurin connu du Limousin à la Bretagne D'abord limitée aux villages voisins puis à tout le diocèse de Sens, la renommée de saint Mathurin s'étend bientôt au-delà de ces limites. En 1579, Claude de Montreuil, auteur de la Vie, légende et messe de saint Mathurin de Larchant hystoriée, peut ainsi écrire : « De toutes parts gens y venoient, voir ce miracle que je vous dy ». Lors des grandes fêtes Larchant s’unit aux villages voisins s’unissent en organisant différentes cérémonies en l'honneur de saint Mathurin, notamment le « Tour de la châsse » qui est une grande procession annuelle qui passe dans douze villages. Certains bourgs des environs font appel aux pouvoirs du saint pour obtenir, en général, un climat propice aux cultures : ainsi, les années de sécheresse, les habitants de Beaune-la-Rolande font une procession entre leur village et celui du saint. Puis, progressivement, le flot des pèlerins augmente. Ils viennent de tout le diocèse de Sens, dont dépend le village, et de régions périphériques comme le Hurepoix. Ils viennent soit en processions plus ou moins régulières, soit en solitaires. Tous veulent bénéficier des pouvoirs surnaturels des reliques de saint Mathurin. On le sait par exemple par plusieurs lettres de rémission : en 1383, Jehannin Guillon, laboureur de Rousson, près de Villeneuve-le-Roy, est emmené auprès de saint Mathurin pour être guéri de la folie ; en 1387, Jehan Guillin, charpentier de Nemours fait un pèlerinage à Larchant avec sa femme. Ainsi, la dévotion aux reliques du saint a eu un constant rayonnement local. Par la suite, dès le XIIIe siècle, mais surtout aux XVIe et XVIIe siècles, Larchant voit venir des pèlerins d'origines de plus en plus lointaines. La majeure partie des pèlerins vient, de l'Ouest du royaume de France où le culte de saint Mathurin était très bien implanté ( sans qu’on connaisse les causes d'un tel état de fait). On vient à Larchant depuis le Maine, I'Anjou, le Poitou et le Limousin : des fouilles archéologiques ont permis de mettre au jour, dans le cimetière du village, de deniers des comtes du Mans antérieurs à 1226. Une lettre de rémission de 1374 mentionne une certaine Jehanne Labrete, originaire du Poitou qui a fait un pèlerinage à Larchant. La Bretagne et la Normandie sont les deux grandes régions d'origine d'un grand nombre de pèlerins. En témoigne l'existence d'un « Grand chemin saint Mathurin » qui regroupait à partir de Chartres les petits chemins venant de ces deux régions, et amenait à Larchant en reprenant le tracé de voies antiques. Le récit d'un exorcisme réalisé en 1601 fait ainsi mention de la présence au sanctuaire de cinq pèlerins venus d'Evreux et d'un prêtre officiant à Dieppe. Larchant attire aussi des chrétiens de Paris. La diffusion a pu se faire ici par les chanoines de Notre-Dame de Paris. De nombreux malades, atteints de folie, « hospitalisés » à I'Hôtel-Dieu de Paris, tenu par ces chanoines, sont envoyés a Larchant dans l'espoir d'une guérison. Enfin, pour connaître et comprendre les origines géographiques des pèlerins auprès des reliques de saint Mathurin, il faut tenir compte du tracé des routes aux époques médiévale et moderne. Ainsi, pendant une grande partie du Moyen-Age, Larchant se trouve sur la route du Bourbonnais entre Paris et Lyon, qui est une des grandes voies de commerce et de communication de cette longue période. Le récit de l'exorcisme de 1601 témoigne de l'origine parisienne de certaines personnes présentes, mais il mentionne aussi la présence de trois Savoyards qui viennent des «Etudes de Paris». On trouve mention, dans un texte, de la présence au sanctuaire de pèlerins écossais et espagnols, même si leur nombre est sans doute peu important. La réputation du sanctuaire a donc eu une audience de plus en plus élargie. Comme les origines géographiques, les origines sociales des pèlerins se sont diversifiées au cours de la même periode. • Roi et petit peuple Il faut tout d'abord indiquer que les distinctions sociales n'existent plus durant l'accomplissement d'un pèlerinage au Moyen Age. Tous les chrétiens sont animés de la même foi, de la même confiance en la protection du saint. A Larchant, comme dans tous les sanctuaires, se côtoient le menu peuple venu en foule et les grands seigneurs. A toutes les époques, le sanctuaire accueille ce menu peuple. C'est lui qui est majoritairement mentionné dans les récits de miracle et dans les lettres de rémission : artisans, petits commerçants, charpentiers, « povre laboureur de bras », paysans... Ceux-ci habitent surtout Larchant et ses alentours. On doit y ajouter une autre catégorie de personnes, habituée des lieux de pèlerinage, celle des pauvres errants, qui vont de sanctuaire en sanctuaire en vivant d'aumônes. Une lettre de rémission mentionne, par exemple, un certain Jean Rotrou, arrêté à Larchant après plusieurs vols. Ces vagabonds peuvent venir de beaucoup plus loin. Les reliques de saint Mathurin attirent aussi des catégories un peu plus aisées de la population le procès-verbal de l'exorcisme de 1601 mentionne ainsi des clercs réguliers et séculiers, des officiers royaux (archers, fourrier de la reine, prévôt...), des marchands... Ils forment aussi une part importante des pèlerins, en général originaires de régions plus éloignées. Enfin le rayonnement de saint Mathurin atteint les couches les plus élevées de la population. Des documents mentionnent la présence de quelques grands seigneurs laïcs et ecclésiastiques. On sait ainsi, par le récit de sa vie, que le bienheureux Pierre de Luxembourg s'était proposé d'aller à pied pour obtenir sa guérison dans plusieurs sanctuaires, dont celui de Larchant. Au temps de sa splendeur, le sanctuaire a reçu des rois de France et personnages royaux qui s'y arrêtaient lors d'un voyage a travers le royaume : 1325, Charles IV ; 1467, Louis X I; 1486 , Charles VIII ; 1504, Anne de Bretagne; 1519 et 1541, François 1er. Chaque fois, le passage des rois de France était l'occasion de grandes fêtes. Si les rois et reines cites précédemment ne viennent pas à Larchant pour obtenir une guérison, mais plutôt pour faire honneur à un sanctuaire réputé et pour prier saint Mathurin, afin d'obtenir sa protection, d'autres ont eu recours aux pouvoirs des reliques du saint. Ainsi, Isabeau de Bavière, reine de France, épouse de Charles VI, envoya un homme à Larchant pour y quérir la guerison du roi atteint de démence. Les reliques de saint Mathurin attirent donc des chrétiens d'origines sociales très diverses, qui témoignent de leur réputation. Breton ou Parisien, manouvrier ou prêtre, le pèlerin qui est venu chercher sa guérison doit, lors de son séjour au sanctuaire, se plier à des gestes codifiés pour l'obtenir. • Des rites à respecter pour obtenir la guérison La route vers Larchant doit être vécue par le pèlerin comme un acte de pénitence et comme un moyen de se rapprocher du saint que l'on invoque. Commence ensuite le séjour au sanctuaire dans le but d'obtenir une guérison. Ce séjour se déroule selon un rituel établi, qui est a peu près similaire dans tous les sanctuaires à fous de l'époque. Selon la force de la maladie, le pèlerin, souvent enchaîné, peut faire une neuvaine ou avoir recours à l'exorcisme. La neuvaine est une période de neuf jours consécutifs de prière pour prouver à Dieu sa piété et obtenir la guérison, le saint invoque ayant le rôle d'intercesseur entre le pèlerin et Dieu. La neuvaine comprend des dévotions diverses : messes, processions, veillées de prières, toucher des reliques. Ces gestes peuvent déboucher sur la guérison. Si le malade est plus sévèrement atteint, la neuvaine ne peut suffire ; on a alors recours a l'exorcisme, qui constitue un acte de foi en la puissance de Dieu sur les démons. Il s'agit d'un rituel de paroles pour expulser le diable du corps. Deux exorcismes réussis sont connus pour Larchant : celui d'une jeune fille en 1530 et celui d'un homme en 1601. Que l'on passe par l'une ou l'autre manière d'obtenir la guérison auprès des reliques du saint, que l'on soit ou non guéri, le dernier passage oblige de la geste pèlerine, est l'action de grâce, sous forme de prières et de dons. Tout pèlerin doit faire une offrande (argent ou objet) à saint Mathurin après ses dévotions. Ce rituel témoigne de la relation d'échange qui s'est établie entre le malade et le saint. Quelles que soient les origines des pèlerins, tous doivent avoir recours à ces rituels pour obtenir au mieux la réalisation du souhait qui avait motive leur venue auprès des reliques de saint Mathurin, au moins la protection à long terme du saint et l'assurance de son intercession auprès de Dieu pour le secours demandé. • Conclusion Grâce aux témoignages oraux des personnes guéries, aux récits écrits des guérisons, à la diffusion de vies de saint Mathurin, au rôle des chanoines de Notre-Dame de Paris, la réputation du pouvoir des reliques du saint originaire de Larchant, en matière de guérison de la folie surtout, s'est étendue à une grande partie du royaume de France et s'est diffusée dans toutes les catégories sociales de la population française. Le sanctuaire de Larchant est ainsi devenu à la fin du Moyen Age et au début de l'epoque modeme un lieu de pèlerinage important du royaume. Pricille Dulin-Aladjidi,
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