Que dire ?
Je vais tenter de répondre à votre demande en évitant
de me répandre.
Ce voyage fut, pour moi, une extraordinaire expérience personnelle et,
bien
que dépourvu de toute motivation religieuse, j’ai réellement
apprécié d’emprunter ce chemin mythique même si, en
France tout du moins,
j’avais aménagé l’itinéraire traditionnel afin,
pour l’essentiel,
d’éviter
les grandes agglomérations et leurs banlieues, peu accueillantes et même
franchement
dangereuses pour des cavaliers.
En ce qui concerne les rencontres : je ne suis pas allé à Compostelle
pour
me faire de nouvelles relations … et, du fait même de la présence
mon cheval,
j’avais un rythme différent (mais tous comptes faits guère
plus rapide),
d’autres problèmes et d’autres préoccupations que les
marcheurs.
J’ai néanmoins fait la connaissance d’un banquier suisse avec
lequel j’ai
cheminé depuis Villafranca del Bierzo jusqu’à Santiago; il
démarrait deux
heures avant moi le matin (le temps de nourrir et préparer mon cheval)
et je
le
retrouvais dans la journée ou à l’étape suivante … Nous
continuons à
correspondre via Internet ou par téléphone.
J’ai également rencontré, cheminant de Burgos à Léon,
un français et sa
ravissante gamine … Laquelle gamine - 26 ans quand même mais un peu
jeune
pour moi
- est tombée raide amoureuse non pas de mon auguste personne (ce qui
pourtant eût été parfaitement normal) mais du cheval qu’elle
s’est
mise à dorloter comme un bébé … remuant ciel et terre
pour lui procurer de la nourriture,
allant une fois jusqu’à appeler la police afin de lui trouver une écurie
pour la nuit …
La bonne poire que je suis (je vous répète que la fille était
ravissante)
a recueilli leurs bagages … Ma monture, qui supportait déjà les
70 kilos de
l’ensemble de mon matériel, s’est ainsi trouvée métamorphosée
en mule de
bât et j’ai exclusivement pratiqué la marche à pied
huit jours durant …
Je revois régulièrement ces personnes qui - la fille surtout -
sont
devenues des amis.
Le retour - ou plutôt l’atterrissage fut sinon difficile, du moins
problématiquedans la mesure où je revenais sur une autre planète …
Durant près de trois mois j’ai vécu plus comme un gitan et
un vagabond que comme
un pèlerin, préférant chaque fois que possible passer la
nuit dans un petit
hôtel ou sous la tente même s’il m’est arrivé (une
fois seulement, à Léon)
de m’offrir un quatre étoiles …
J’ai eu également quelques difficultés à me réadapter
car je m’étais levé
chaque jour entre 5 et 6 heures du matin alors que “normalement” j’émerge,
dans le meilleur des cas, aux alentours de midi …
Autre chose : ainsi que je vous l’ai peut-être dit, mon compagnon
d’infortune,
physiquement, moralement et nerveusement épuisé,
a lâché prise à Viana …
Amputé d’une partie du matériel commun et ne parlant pas
un traître mot
d’espagnol, j’ai déprimé vingt-quatre heures avant
de me ressaisir et de poursuivre ma route alors que des amis me proposaient avec
insistance de venir immédiatement me chercher.
Conclusion paradoxale : alors que je n’aurais jamais envisagé d’ entreprendre
ce voyage tout seul (pas plus d’ailleurs que de le fractionner en plusieurs
morceaux) je considère que ce lâchage a finalement constitué un
formidable cadeau parfaitement inespéré qui m’a certes compliqué l’existence
mais rendu une parfaite liberté et une totale autonomie.
Autre réflexion personnelle à propos de ce périple : entourage
et relations me parlent fréquemment de défi, voire de performance
ou d’exploit … ce
qui
me fait doucement rigoler car ce n’est absolument pas dans ma nature … Je
n’avais
en l’occurrence strictement rien à prouver - y compris moi-même
- et l’esprit de compétition m’est parfaitement étranger.
Je ne suis qu’un dilettante
- parfois tenace et obstiné mais dilettante quand même - qui s’est
offert une superbe ballade. Je n’envisage pas de rejoindre une association
quelconque : pour quoi faire ?
Ressasser mes souvenirs et enquiquiner les autres avec mon “expérience” ? Je
me suis rendu, voici quelques semaines, à la présentation, à la
Maison
de la Savoie à Paris, d’un ouvrage écrit par un pèlerin …C’était
sinistre et
affligeant. On se serait cru dans une réunion d’anciens combattants … Très
peu pour moi.
Je continue à voir régulièrement l’ami qui a lâché prise
en cours de route : je le connais depuis près de vingt ans, c’est
moi qui l’ai “mis
en selle”, il possède une résidence secondaire dans le village
où je
demeure et - même si c’est moi qui m’en occupe d’ordinaire
- nos chevaux vivent
ensemble, chez lui. Nos relations se sont nettement améliorées
depuis quelque
temps car à mon retour il m’a curieusement fait un peu la gueule … et
ce de façon
d’autant plus étrange que je me suis rigoureusement abstenu de tout
commentaire lorsqu’il m’a brutalement annoncé qu’il
avait décidé d’abandonner
dès le lendemain soir et que je n’ai, depuis, jamais fait aucune
allusion à cette “désertion” dont je ne lui ai pas
avoué combien elle m’avait été finalement
bénéfique.
Mes rapports avec l’histoire sont passablement épars et confus … Avant
de le parcourir, je ne connaissais que vaguement le chemin de Compostelle,
ville
que je n’étais guère en mesure de situer sur une carte … De
plus je n’avais jamais mis les pieds en Espagne auparavant.
Ce que je cherchais sur votre site ? Simplement des renseignements de toute
nature susceptibles de m’aider dans la préparation de ce voyage.
D.R.
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