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mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil
 

ULTREIA

Présenté comme cri de ralliement ou d'encouragement des pèlerins, le mot Ultreia conserve un certain mystère. Il concourt à la magie des chemins de Saint Jacques et alimente les rêves des pèlerins de Compostelle

Question :
Je cherche la signification et le sens d'Ultreia.

Réponse :

L’origine de ce mot n’est pas encore bien établie. Pour certains, elle vient du latin ultra. Pour d’autres elle aurait plutôt une autre origine, en vertu de ce qu’on trouve ce mot deux fois sous une forme étrangère dans le Livre I du Codex Calixtinus, manuscrit du XIIe siècle de la cathédrale de Compostelle. Il est inclus dans deux poèmes latins dont les titres soulignent cet apport de mots étrangers, «grecs et hébreux» :

 

1) une fois au chapitre XXVI fol. 120 v°, dans la messe de saint Jacques dite de Calixte, dans ce vers : suseia, ultreia. Ce vers appartient à la 10e strophe de la «prose de saint Jacques en mots latins, grecs et hébreux abrégée par le pape Calixte» et composée comme un poème de 14 strophes. Au-dessus des mots suseia, ultreia sont écrits dans le manuscrit les mots sursum perge, vade ante qui signifient «lève-toi, va de l’avant»
2) une fois dans les «suppléments», fol. 193/122, dans la 4e strophe (sur 13) d’un poème intitulé Alleluia in greco

Herru Sanctiagu / Gott Sanctiagu / E Ultreia, e suseia / Deus aia nos

Cette strophe de quatre vers est écrite dans une langue à caractère germanique. On peut la traduire ainsi :

«Monseigneur saint Jacques / Bon saint Jacques / allons plus loin, plus haut / Que Dieu nous aide»

D’où vient ce quatrain ? Il est sans doute né de chansons populaires germaniques reprises, dès le XIe siècle au moins, dans des textes cléricaux largement répandus dans toute l’Europe, soit en entier (exemple 2), soit partiellement (exemple 1) avant d’arriver jusqu’à Compostelle d’où elle a pu essaimer encore : après 1150, on le retrouve dans une deuxième version du Livre de saint Jacques, dans un chant versifié intitulé «vers d’Aimeri Picaud, prêtre de Parthenay» qui résume la vie de saint Jacques et nomme les 22 miracles qui lui sont attribués [1] .

On peut imaginer que le mot ultreia, isolé, fut repris comme cri de ralliement ou cri de joie par les pèlerins de saint Jacques, qu’ils aillent à Compostelle, vers ses autres sanctuaires ou vers tout autre sanctuaire. On le retrouve, francisé, dans de nombreux textes médiévaux, ainsi dans le Roman de Renart :

«ils ont crié oultrée / Et puis chez eux s’en sont retournés»

Mais il a pu être aussi cri de guerre, associé à la démarche de pèlerinage que furent les Croisades  : au XIIIe siècle, le trouvère Guiot de Dijon l’emploie dans ce sens lorsqu’il fait chanter la jeune fille pleurant son beau chevalier parti en Terre Sainte :

«Mon Dieu, quand ils crieront Oultrée,
Ô Seigneur, aidez mon pèlerin pour lequel je suis épouvantée car impitoyables sont les Sarrasins».

Cette strophe née voici plus de mille ans est toujours vivante. Aujourd’hui, elle est le refrain d’une chanson pour les pèlerins de Compostelle composée par Claude Bénazet et figurant dans le Guide spirituel du pèlerin de l’abbaye de  Conques :

Ultreia, ultreia, et suseia / Deus adjuva nos
écouter la musique de cette chanson offerte par un ami de La Rochelle

Bernard Gicquel
Avec la collaboration de
M. V. Cambriels et D. Péricard-Méa Février 2003

 

1un manuscrit est transcrit dans Histoire littéraire de la France, 1847, t. XXI, p. 277

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