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Denise Péricard-Méa, fév. 2003
Actuellement, pas une notice historique sur Compostelle, si modeste soit-elle, n’omet de rappeler que le premier pèlerin français «historique» qui soit allé à Compostelle fut, en 951, Godescalc, évêque du Puy. Derrière lui, on pense que des pèlerins sont partis, si nombreux que leurs pas ont fini par tracer un chemin, le fameux GR 65. D’où l’obligation que se font tant et tant de pèlerins d’aujourd’hui de ne pas s’écarter de ce fameux GR soi-disant historique et millénaire…La réalité est tout autre.
Il est bien exact que Mgr. Godescalc est allé à Compostelle dans l’hiver 951, en une époque suffisamment pauvre en documents (et riche en déplacements) pour s’émerveiller qu’un événement si anecdotique soit parvenu jusqu’à nous. L’information nous est connue grâce à un moine de l’abbaye d’Abelda, près de Logroño, qui l’a glissée dans un manuscrit qu’il a copié à la demande de l’évêque.
Quoiqu’il en soit, il est permis de s’interroger sur ce besoin pressant
qu’à eu Godescalc de partir en plein hiver. Le moine Gomez donne une indication
précieuse : le roi de Galice vient de mourir. Godescalc n’est-il
pas parti pour participer à la mise en place du nouveau roi ?
On sait que les relations entre cette grande Aquitaine (qui incluait le
Puy, rappelons-le) et la péninsule ibérique étaient régulières dès le
Xe siècle. Le manuscrit rapporté par Godescalc est resté au Puy jusqu’en 1681, date à laquelle Colbert l’acheta pour la Bibliothèque Royale (future Bibliothèque nationale de France), ce qui lui a permis d’échapper aux fureurs révolutionnaires. En 1866, un conservateur de la BNF, Léopold Delisle, ouvre ce manuscrit afin de l’authentifier et lit le prologue, cette fois en s’intéressant à cette information du pèlerinage de Godescalc. Il publie sa découverte dans les Annales de la Société académique du Puy [3] , bulletin de la société savante locale. L’article n’a ému que quelques érudits locaux… jusqu’à ce que Mgr. Martin soit nommé évêque du Puy, en 1940. Cette accession au titre d’évêque est traditionnellement assortie du choix d’armoiries épiscopales. Mgr. Martin tint à y faire figurer une coquille, «en souvenir du pèlerinage à pied à Compostelle qu’il avait accompli quand il était directeur des étudiants catholiques à Bordeaux», probablement en 1938. Quelque savant chanoine s’est-il alors souvenu de l’article de Léopold Delisle ? Toujours est-il que le 4e quartier porte des étoiles pour rappeler «la Voie Lactée ou chemin de Saint-Jacques qui unissait le Puy à Compostelle et traçait la route aux pèlerins» [4] . Et que Mgr. Martin retourne à Compostelle en 1942 et vraisemblablement en 1951, lors de la commémoration à Compostelle du millénaire de ce pèlerinage devenu fameux… Godescalc était ressuscité. Une recherche plus approfondie est nécessaire pour montrer l’implication des autorités civiles et des responsables locaux qui pressentent peut-être l’intérêt de ces relations. Mais qui aurait pu imaginer à l’époque le devenir de ce «chemin de Saint-Jacques» qui ne fut tracé qu'au début des années 1970 mais pouvait afficher son ambition de supplanter les trois autres chemins du Guide du pèlerin en faisant de l'évêque Godescalc son pèlerin-fétiche ? * 9/08/05 D'Alard (...) de Gotefcalque Evêques du Puy (...) de la Fondation de Saint Michel d'Aiguille, il est écrit: "Le Succeffeur de Norbert fut Alard que les Saintes Marthe ont vû nommé dans une Chartre de l'année 919. & la 923. (etc...) le tabulaire du prieuré de Chanteuge * en Auvergne, fait foi qu'il fiégeoit dés l'an 936 .& cependant il ne fe découvre rien de lui jufqu'en 950 qu'avec une honorable fuite il fit le pélerinage de Saint Jacques ainfi que l'a tiré Baronius de la préface d'un Prêtre Navarrois au traité de saint Ildephonfe à la loüange de la pureté de Marie. Celui là dit que Gotefcalque allant en Galice l'avoit obligé de la tranfcrire, & l'avoir emporté (etc ...)" Le même ouvrage apporte une précision sur les reliques possédées par la cathédrale du Puy. Il y est aussi question d'un reliquaire d'argent donné en 1267 par Clément IV, évêque du Puy, qui "enferme fous des pièces de criftal les Reliques suivantes (...) du Lait de la Sacrée Vierge, de fes cheveux, de fes habits, Du Chef de Saint Jacques le majeur Apôtre", (etc...) [1] Paris, bibl. nat., ms. lat. 2855, Xe siècle, fol. 69v° [2] Bourbon, L. «L’évêque Godescalc et la tradition compostellane», Principe de Viana, n° 98-99, Pamplona, 1965, p. 69-74 [3] Delisle, Léopold, «Recherches sur l’ancienne
bibliothèque de la cathédrale du Puy», Annales de la société d’agriculture,
sciences, arts et commerce du Puy, t. XXVIII, 1866-67, p. 439-459,
[4] Semaine religieuse du diocèse du Puy, 1940, p 224 |
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