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Martine Larigauderie Beijeaud, historienne spécialiste de l’ordre de Grandmont a constaté que la règle des premiers ermites n’était pas vraiment favorable aux pèlerinages qui troublaient leurs prières. L’un des prieurés a évolué et, au moins depuis le XVIIIe siècle, a donné naissance à un pèlerinage local à saint Pardoux, très fréquenté encore aujourd’hui. Son étude est complétée par un joli conte qu’une de ses amies vient de rédiger, après une enquête sur le site.
cliquer pour agrandir L'église d'Etricor cliché : www.immocharentelimousin.com |
Les églises de l’ordre de Grandmont étaient toutes dédiées à Notre-Dame. Cependant certaines étaient dédiées à d’autres saints sans qu’il soit possible de retrouver l’ancienneté des dédicaces. Il en fut ainsi pour Étricor, hameau de la commune d’Étagnac (Charente, canton de Chabanais) : en 1248 Raymond Lobosc confirme ses donations à Dieu et Beata Maria de Stricto Cornu [1]. Les autres donateurs font leurs aumônes à Dieu et à la Vierge Marie. Les actes de l'évêché des années 1550 mentionnent encore clairement Notre-Dame d'Étricor [2]. Les premières mentions du vocable Saint-Pardoux apparaissent au XVIIIe siècle [3]. |
Qui est Pardoux ?Pardoux est le fils d'un paysan de la Marche (la Creuse actuelle).
Un jour qu’il allume un feu avec d’autres jeunes bergers près
d’un
vieux châtaignier creux, l’arbre s’abat sur lui et il perd
la vue. Il trouve sa consolation en Dieu. Jeune adulte, il vit en ermite
dans cette région, partageant son temps entre la prière et la
contemplation des mystères de Dieu. Il reçoit des visiteurs qui
apportent des offrandes ou implorent une guérison. Lorsque le comte
de Limoges fonde un monastère à Guéret vers 670, il en
confie la direction au jeune homme. Pardoux a le don de guérir et poursuit
son action bienfaitrice. L’abbé meurt le dimanche 6 octobre 737.
Il accomplit de nombreux miracles. « Un voleur de champignon faillit
en trépasser. Un paralytique
qui implorait en vain saint Martin est acheminé vers Guéret monté sur
un âne et aidé de deux serviteurs. Le berceau du filleul de Pardoux
s’agite de lui-même. La proverbiale avarice des Auvergnats se trouve
punie en la personne de ce Bobolenus qui voulait garder pour lui seul
l’eau
bénite par Pardoux ». Il est inscrit dans le calendrier de Grandmont à la
date du 6 octobre [4]. Les dévotions à saint Pardoux
Plusieurs sites de la Haute-Vienne connaissent des dévotions à saint
Pardoux [5], qui se déroulent de façon comparable. Étricor,
prieuré de Grandmont maintenant en Charente, se trouvait dans l’ancien
diocèse de Limoges. On s’y rend toujours en pèlerinage le
jour de la fête soit le plus souvent le dimanche après la saint
Pardoux. La présence de la statue du saint joue un rôle essentiel.
Le clergé soutient le pèlerinage. | |
Image dans son contexte original, charente.confolens page : villes et vilages/etagnac/environs/etricor |
Les fidèles arrivent à l’avance, prennent
de l’eau
bénite pour faire le signe de la croix, vénèrent le saint
et allument des chandelles près de la statue. La messe est suivie d’une
procession. Les fidèles se regroupent derrière le prêtre
et les porteurs de bannières. Ils chantent le cantique en l’honneur
du saint (voir plus bas). Le refrain rappelle que la protection des troupeaux
est l’objet premier du pèlerinage. La procession suit le mur nord
de l’église, chemine en cercle autour d’une croix dressée
au chevet et se dirige vers le sud. Elle dessine un arc de cercle dans le
pré,
passe près d’un rocher marqué d’empreintes, puis se
sépare à l’entrée de l’église. Les enfants
distribuent alors du pain bénit. Les pèlerins se rendent à la
fontaine. |
Pour d’autres personnes,
le pèlerinage se fait dans la discrétion. Le répertoire
de Reible [8] signale
qu’en 1883 on remplace la statue rognée par les
pèlerins. Lorsqu’une personne est malade, dans la mesure du possible
elle doit entrer en contact avec la statue pour obtenir la guérison.
Elle doit baiser la statue, frotter la partie malade contre le saint, ou
emporter un objet qui l’a touchée. Cela peut-être un linge
ou un vêtement.
L’objet peut aussi servir pour soigner une bête malade. Les pèlerins
déposent au pied de la statue de saint Pardoux un petit cercle de baguettes
de bois entrelacées. En 1883 on en fit brûler plus de deux fortes
charretées [9]. Les baguettes étaient-elles en noisetier ? Utilisé pour
la jauvence (porte-bonheur), il protège les gens, les bêtes
et les récoltes [10]. À Étricor, le malade peut prolonger la
cure avec de l’eau de la fontaine. Saint Pardoux apparaît ici à la fois comme un saint guérisseur et un saint protecteur. Son rôle lui vient de son métier. Il rappelle les miracles accomplis durant sa vie. Il agit en outre en tant que relais de culte des fontaines et peut-être même des pierres. Il a longtemps apporté le réconfort dans les campagnes. Pour d’autres la cérémonie permet un moment de recueillement dans la belle chapelle grandmontaine. L’hymne à saint Pardoux telle qu’elle est chantée aujourd’hui date du XXe siècle |
Refrain : Saint Pardoux, ô notre bon père | |
1 Prêtez-nous, ô chœurs angéliques 2 Grand Dieu dès qu’il put vous connaître, 3 Garde-nous de l’indifférence, 4 Garde nos troupeaux de la peste, |
5 Loin de nous, chasse la souffrance, 6 Bien souvent tu rends le courage 7 Étricor, ton vieux sanctuaire, 8 Grand saint Pardoux, sois secourable |
Un pèlerinage en l'honneur d'Etienne de Muret, fondateur de l'Ordre.Le prieuré grandmontain de Sainte-Marie de Descagnazeix à Peyrilles dans le Quercy connaît un pèlerinage annuel le dernier dimanche d'août à Notre-Dame de la Compassion. Les pèlerins du début du 20e siècle arrivaient à pied, ils déposaient des fleurs sur les marches de l'autel. Ils se rendaient à la fontaine après la messe. Après les vêpres la procession se déroulait le long des chemins qui entourent l'esplanade du prieuré. Une cérémonie annuelle se tient toujours à cette date qui correspond au moment de la canonisation d'Etienne de Muret, fondateur de l'Ordre. Martine Larigauderie
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Voir l'article Les processions à Etricor |
Notes [1]Le nom évoque peut-être la situation géographique dans
un coin, entre la Vienne et le ruisseau, mais aussi en limite de diocèse.
Etricor, diocèse de Limoges est de nos jours dans le diocèse
d'Angoulême. Bibliographie Quelques résumés pour en savoir plus sur les pèlerinages locaux dans « le Limousin, la Marche et les régions voisines » • M. DOMINIQUE, « Coutumes et croyances à Blond. La Saint-Martin à Blond », Bulletin de la Société d’ethnographie du limousin, de la Marche et des régions voisines, 1963, n°3, p. 2-4. En période de sécheresse, on trempe la croix dans la fontaine • R.MASFARAUD, « Dévotions à Champsac », Bulletin de la Société d’ethnographie du limousin, de la Marche et des régions voisines, janvier 1966, n°14, p.229-231. Saint Roch, jour de la Fête Dieu, pour le cheptel : messe, procession, cierge, chapelet, et monnaie, bout de chaîne, touffe de crins, corde dans les anfractuosités. • A.-J. ROUGIER, « Rites de la Saint-Jean », Bulletin de la Société d’ethnographie du limousin, de la Marche et des régions voisines, juillet 1965, n°11, p.79-88. Origine païenne des rites. • Docteur GREZILLIER, « Les dévotions à Rochechouart », Bulletin de la Société d’ethnographie du limousin, de la Marche et des régions voisines, juillet 1965, n°11, p.89-92. Fontaine, circumambulation, eau pour le malade. • M. ROBERT, « Coutumes et croyances de Saint-Jean dans la région de Rochechouart », Bulletin de la Société d’ethnographie du limousin, de la Marche et des régions voisines, juillet 1965, n°11, p.93-100. • A.-J. ROUGIER, « Aspects sociologiques et archéologiques de la dévotion de la Saint-Jean à Chassenon (Charente) », Mémoires de la société archéologique et historique de la Charente, 1962-63, Angoulême, 1964, p. 221-286. Chassenon, canton de Chabannais, important site gallo-romain en cours d’aménagement sur la voie de Lyon à Saintes. Dans ce lieu où des ossements votifs furent retrouvés en fouilles, l’auteur suggère la permanence des dévotions. Le pèlerinage (procession, messe,…) concerne plus particulièrement les ovins. • L. BONNAUD, « Pèlerinage rustique à la chapelle du Bois-du-Rat, près de Cieux. Dévotions populaires à Sussac », Bulletin de la société archéologique et historique du Limousin, t. LXXXVI, 1955, p. 138-143. Bois-du-Rat : saint Jean. Dévotions le 6 mai et 27 décembre : chapelet, circumambulation, dépôts votifs pour les animaux. Sussac : saint Pardoux, saint Nicolas. • L. BONNAUD, « Anciennes dévotions à saint Eutrope en Basse-Marche», Bulletin de la société archéologique et historique du Limousin, t. CXX, 1992, p. 178-196.
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