mise à jour le 9 mai, 2007 | Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. | survol du site | Page précédente | Accueil |
Eclairages sur l'histoire des relations du Puy et
de Compostelle proposés par Denise Péricard-Méa et Louis Mollaret
The town of Le Puy, and the birth of « Saint-Jacques »
Light on the history of the relations between Le Puy and
Compostela, proposed by Denise Péricard-Méa and Louis Mollaret
au Puy, rue des Farges, une représentation moderne de saint Jacques |
Aujourd’hui, la ville du Puy occupe une place unique
dans la pratique du pèlerinage à pied. Elle passe pour être le point de
départ obligatoire pour Compostelle. Il n’est qu’à entendre certaines
réflexions et questions, par exemple celles-ci : «Je pars du Puy,
on ne peut pas partir d’ailleurs» ou «je voudrais partir de chez moi,
est-ce possible ?» ou «Je ne veux pas partir du Puy, ne me demandez pas
pourquoi». |
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Au XIXe siècle, le Puy retrouve plusieurs souvenirs historiques liés au pèlerinage à Compostelle.Depuis le Haut Moyen Age, le Puy était une célèbre ville sanctuaire de la Vierge Noire où se pressaient les foules. En témoigne encore la "rue des pèlerins, allant de l'hôtel des pèlerins à Notre-Dame" (Jean Chervalier, Dictionnaire historique des rues du Puy). Comme partout, le XIXe siècle fut au Puy un siècle d’intense activité en matière d’histoire, due à la création de l’Ecole des Chartes fondée pour former des archivistes-paléographes. Dans les Archives Départementales nouvellement ouvertes, ceux-ci devaient lire et classer les innombrables documents confisqués à la Révolution. De ces documents surgit pour la ville un passé jacquaire dont personne ne parlait plus. C’est dans cette mémoire écrite que puisèrent les promoteurs de ce qui allait devenir « le Saint-Jacques », ce dont on se réjouirait s’ils ne l’avaient déformée jusqu’à la caricature. • En 1866, l’un de ces brillants archivistes, Léopold Delisle, conservateur à la Bibliothèque Nationale à paris, retrouve, sur un manuscrit authentique du Xe siècle la mention du voyage à Compostelle de l'évêque du Puy Godescalc en 951. | |
Il
est essentiel d'insister sur le fait que ce pèlerinage de Godescalc
a été oublié pendant mille ans et n'a été
exhumé des archives qu'au XIXe siècle, en n'étant connu
de surcroît que du petit cercle des érudits locaux du Puy. Cette
mention ne dit rien d’autre que ce qu’a écrit le moine Gomez, rien en
particulier sur le chemin que l’évêque a emprunté, en cet hiver de 951,
rien non plus sur sa « suite nombreuse »… | |
• En 1869, eut lieu la publication des mémoires d'Etienne de Médicis, un bourgeois du Puy qui consacra plus de cinquante années de sa vie, entre 1500 et 1558, à rédiger l’histoire de sa ville (Le livre de Podio ou Chroniques d’Etienne de Médicis (1475-1565), éd. Augustin Chassaing, Le Puy, 1869, 2 vol.). Cette publication, restée elle aussi confidentielle, apporta trois autres informations relatives au pèlerinage : - En 1476, un certain Pierre Pafayac « un peu débile d’entendement » est allé à Compostelle. - Parmi les seize portes de la ville, dont de nombreuses sont mises sous la protection d’un saint, l’une «s’appelle la porte Sainct-Jacme pour ce que c’est la porte par laquelle on sort d’icelle ville du Puy pour aller au pèlerinage du glorieux apôtre monseigneur Sainct Jacques le Majeur en Compostelle ou Galice» Rappelons qu’au XVIe siècle, les pèlerinages à Compostelle attirent de plus en plus de catholiques cherchant un réconfort dans une Espagne qui, seule, ne fut pas touchée par le Protestantisme. -Médicis mentionne aussi, parmi les «sainctes reliques de l’église Nostre-Dame du Puy… partie d’un doigt de sainct Jacques le mineur» • Toujours au XIXe siècle, les inventaires des archives apprennent que, en 1253, la ville comptait plusieurs hôpitaux voués eux aussi à plusieurs saints : saint Jean, saint Gilles, saint Nicolas … et saint Jacques (Arch. dép. Haute-Loire, H sup. Hôtel-Dieu du Puy 1 B 11). Ce dernier était situé à l’entrée de la rue Saint-Jacques qui existe encore aujourd’hui. Malgré des agrandissements urbains intervenus au XVIIIe siècle on devine, comme dans beaucoup d’autres villes au Moyen Age, un quartier Saint-Jacques, organisé autour de la porte, le long d’une rue Saint-Jacques (dont une partie semble devenir plus tard rue du faubourg Saint-Jacques, aujourd’hui rue des Capucins). | |
La
limite avec les paroisses voisines d’Espaly et de Vals était marquée par
l’arbre Sainct-Jacme offrant son ombre à une croix. Au XIVe siècle,
se tenait dans cette rue une fête patronale très suivie et fort joyeuse,
le 25 juillet (Arch. dép. Haute-Loire, 1 B 395), avec une confrérie
charitable qui, le jour de l’Ascension, faisait une distribution
générale dans toutes les maisons de la rue. Il semble que
l’hôpital Saint-Jacques ait été géré
par les habitants du quartier, en la personne de "bayles"
(Boudon-Lashermes, Albert, La vie d’autrefois au Puy-en-Velay,
Saint-Etienne, 1912). | |
• Enfin, en 1882, la
première édition latine du Guide du pèlerin révélait à ce même
cercle restreint d’érudits qu’au XIIe siècle l’une des « quatre voies
historiques » pour aller à Compostelle partait du Puy en passant
par Conques et Moissac. «A l'Espagne, dans le sanctuaire le plus glorieux, le plus vénéré, il (Léon XIII) a remis en honneur les reliques insignes de l'apôtre saint Jacques le Majeur et accordé le grand jubilé de pardon» Jusqu'au milieu du XXe siècle, le Puy n’a cure de CompostelleMalgré sa mémoire jacquaire retrouvée, le Puy ne se soucie guère de mettre en valeur le chemin qui mène à Compostelle, jusqu’à l’arrivée, le 6 février 1940, d’un nouvel évêque nommé par le pape Pie XII, l'abbé Joseph-Marie Martin (1891-1978). Il était à ce moment directeur des oeuvres diocésaines et vicaire général du diocèse de Bordeaux. Il est intronisé le 20 avril. | |
Une coquille et des étoiles dans son blason épiscopal marquent son attachement à Compostelle et annoncent « le Saint-Jacques » : le 4e quartier porte des étoiles pour rappeler «la Voie Lactée ou chemin de Saint-Jacques qui unissait le Puy à Compostelle et traçait la route aux pèlerins» En effet, alors qu’il était aumônier des étudiants à Bordeaux, il avait déjà organisé, (en 1938 ou 1939 ?) un pèlerinage à pied à Compostelle. | |
Un pèlerinage qui avait eu une faible audience, puisque seulement trois étudiants étaient au départ, ce qu’il regrette en ces termes : « Oserai-je dire qu'après avoir annoncé urbi et orbi l'organisation du pèlerinage et lancé mes invitations, j'ai éprouvé quelque déception en ne trouvant que trois étudiants au départ ? » Osmin Ricau, qui relate cet échec dans Aspects Gascons des chemins de Saint-Jacques, ajoute ce commentaire : « il avait quelques raisons de croire à la sincérité, à la force des convictions religieuses des étudiants. Ces jeunes gens étaient alors oisifs, généralement riches et pouvant se permettre un voyage a pied, d'ailleurs le moins coûteux qui soit. L'idée avait été accueillie avec le plus grand enthousiasme ; elle avait été abondamment rappelée par des affiches, des circulaires, des lettres personnelles, des conversations,... Et pourtant, il n'y eut que trois étudiants présents au rendez-vous ! » Les années de guerre n’ont pas permis à Mgr. Martin de développer ce pèlerinage comme il l'aurait sans doute souhaité, mais, par un nouveau pèlerinage à Compostelle en 1942, il a certainement contribué à resserrer des liens et à l’émergence de la « route du Puy ». Un exemple, en 1949 l’auteur du livre Le Puy, ville sainte, ville d’art, affabule déjà en affirmant que saint Roch en personne est parti du Puy pour aller à Compostelle. En 1951, des intellectuels français sous la direction d’Elie Lambert élaborent à Compostelle une exposition commémorative du millénaire du pèlerinage de Godescalc, exposition présentée ensuite à Burgos et à Madrid. Qui est à l’origine de ces manifestations ? avec quels appuis ? et quels objectifs autres que de célébration d’un anniversaire ? Ces questions ouvrent la voie à des recherches dans les documents de l’époque et auprès des acteurs encore en vie. Le Puy y joue manifestement un rôle il conviendra d’étudier la part respective des autorités civiles et ecclésiastiques et de le compléter par les apports d’autres acteurs, français et espagnols . Une lente naissance contemporaineEn 1951, à l'occasion de cette célébration à Compostelle du millénaire du voyage de Godescalc, la Semaine Religieuse du diocèse du Puy reproduit un article de l'abbé Chanal paru dans le bulletin de l'Archiconfrérie de Saint-Jacques-de-Compostelle. Ce texte rappelle les origines espagnoles de Godescalc (jamais encore établies) et les liens (fort réels ceux-là) qui ont existé entre Le Puy et l'Espagne, en particulier les «riches présents» des rois d'Aragon et Castille à la Vierge Noire et les sanctuaires espagnols où le culte à la Vierge se réfère à N-D du Puy. Et l’abbé d’affirmer : « les pèlerins s'assemblaient devant une des plus vieilles églises du Puy, celle de Saint-Pierre-le-Monastier » Mais il n'en apporte pas la moindre preuve et ne fournit aucun indice. Il se dédouane de cette légèreté en regrettant que «le cadre restreint de l'article ne lui permette pas d'entrer dans de plus amples détails» ; c'est dommage ... les sources historiques de cette information restent à trouver. | |
En retour, en 1962, le Puy commémore le millénaire de la consécration, par le même évêque Godescalc, de la chapelle de Saint-Michel d’Aiguilhe (autre événement historique indiscutable). L’archevêque de Compostelle Mgr. Quiroga y Palacios y participe en pèlerin et préside la cérémonie. Il est accueilli au Puy par Mgr Dolzome, évêque du Puy, accompagné, entre autres personnalités, par Charles Pichon, président du comité France-Espagne qui avait organisé un grand pèlerinage à Compostelle en 1938. | |
La Semaine Religieuse consacre plusieurs pages à ces festivités. On fait ouvrir deux routes, toutes deux au départ du Puy. A l’aller, sur la «variante» (on appelle ainsi toute route non mentionnée par le Guide du pèlerin) par Saint-Flour et Aurillac, Mgr. Quiroga célèbre la messe à Saint-Jacques-des-Blats et bénit une stèle érigée au bord de la nationale «en souvenir du passage des nombreux pèlerins». Au retour, il s’arrête à Conques et Moissac. En août 1962, l’évêque du Puy Mgr. Dolzome évoque devant les jeunes de quatorze nations «la Vierge Noire qui est aussi Notre-Dame de la Route et notamment celle de Saint-Jacques-de-Compostelle». Peut-être à la suite du succès de ces manifestations, une délibération du Conseil Municipal du 18 février 1966 donne le nom de rue de Compostelle à la rue qui prolonge la rue Saint-jacques et la rue des Capucins. La naissance du "Saint-Jacques" | |
Cette partie a été écrite après une conversation
téléphonique avec Jean Chaize, rédacteur du numéro spécial consacré à
saint Jacques par la revue le Fil n° 15, 1992, auprès duquel nous
avons recherché les sources historiques, bases de sa rédaction. En effet,
le seul document écrit situant le Puy sur une route de Compostelle
est un Livre du Codex Calixtinus, traduit en français en
1938 par Jeanne Vielliard sous le nom de Guide du Pèlerin. | |
A l’époque, le souci de ces pionniers fut de tracer un chemin
bucolique reliant des “traces jacquaires” (coquilles ou vocables
Saint-Jacques). Cette seconde exigence a conduit malheureusement à
éliminer une vieille voie marchande attestée par des textes,
la via vocatala marchadeyro dite aussi via mercatoria et
dont il eut été possible de retrouver l’ancien tracé
dans la montagne. “ Les plus vieux chemins sont pratiquement vierges
de références au pèlerinage… Lorsque, en
1972, pour faire revivre cette épopée en bâtissant
un itinéraire pédestre authentique, il fallut choisir, l’équipe
a surtout tenu compte des éléments… qui offraient
les meilleures possibilités en matière de logement…
Mais l’on dut aussi refuser de lancer les randonneurs sur des tronçons
attestés mais soumis à un intense trafic…”
Depuis notre entretien, Jean Chaize a bien voulu nous confier le texte
d'une communication qu'il a faite à la Société Académique du Puy :
"Les coulisses de l’implantation en Haute-Loire du chemin de Saint-Jacques"
Avant cette initiative du CNSGR, pratiquement personne ne pensait au développement du pèlerinage à pied ; on ne parlait que pèlerinages en autocar ou en voiture. Mais après mai 1968, avec ses idées de retour aux racines, aux vertus de la campagne et de la marche à pied, tout s’accélère, si l’on peut parler ainsi de l’engouement pour la lenteur… La Fédération Française de Randonnée Pédestre publie en 1972 le premier fascicule Le Puy-Aubrac du «sentier de Saint-Jacques», sentier bucolique par excellence, exempt de grandes villes qu’il fallait fuir à tout prix. Toute la littérature des années 1950 se trouva reprise dans les guides et les journaux. Tout le monde s’est pris au jeu et rajouta sa pierre à l’édifice : la ferme du Sauvage, possession de l'Hôtel-Dieu du Puy, devint de ce fait «un lieu d’accueil pour les jacquets», avant de devenir gîte d’étape et d'accueillir enfin des pèlerins … Une voix très autorisée affirme même que l’hôtel-Dieu du Puy fut fondé pour les pèlerins de Compostelle, d’après un texte du XVe siècle, ce qui, vérification faite auprès du directeur des Archives départementales s’avère faux. Récemment, un professionnel du tourisme pèlerin a même annoncé qu’il était en passe d’authentifier et de baliser l’itinéraire exact suivi par Godelscac. | |
chaque matin, après la Messe des pèlerins, la bénédiction est donnée à ceux qui prennent le chemin, rassemblés au pied de cette statue, acquise en 1990 par la cathédrale du Puy |
En 1974 un livre d'or est ouvert pour les pèlerins à la Cathédrale. Mais pourtant, lorsqu’en 1978, un prêtre du diocèse entreprend le pèlerinage de Compostelle, il le fait à la surprise de ses confrères. Et, à notre connaissance, les Semaine Religieuse du diocèse sont muettes sur Compostelle pendant toute la décennie 1980 –1990. Début 1990, les pèlerins se faisant de plus en plus nombreux, le recteur de la cathédrale, le père Comte, réalisa qu'aucune image de saint Jacques n’ornait son église. Il lança une souscription et acquit la statue du XVe siècle devant laquelle les pèlerins d’aujourd’hui se recueillent, la croyant installée depuis sa création (bel exemple de mensonge par omission !). Ces dernières années, l'évêque du Puy, en accord total avec
l’office du Tourisme de la ville encourage le renouveau du pèlerinage
et développe l'accueil des pèlerins en particulier par une Messe quotidienne.
Les évêques DU chemin voient dans ces derniers de futurs fidèles pour
l’Eglise et se préoccupent maintenant de faire de la route du Puy une
route privilégiée pour un pèlerinage catholique. L'Episcopat a-t-il une
position unique ? D’autres évêques semblent préférer
que ces «pèlerins» en recherche effectuent leur démarche
seuls, sans incitations dont ils craignent qu'elles apparaissent parfois
plus répulsives qu’attractives, ni "récupération"
prématurée de personnes en recherche ; ils sont également
soucieux de tous ceux qui ne partent pas du Puy.
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En un demi-siècle, Le Puy a su devenir un grand point de départ pour Compostelle.L’Histoire a-t-elle été bafouée ? • Non en ce qui concerne l'hôpital d'Aubrac,
bien réel depuis 1120 ; Oui quand on fait passer pour véridiques
des récits de sa fondation datant, eux, du XVe siècle. Comme
si des récits légendaires n'étaient pas aussi propices
au rêve qu'une histoire vraie. | |
Après tout, tant mieux. Grâce à ces
entorses à l'histoire, la ville du Puy est redevenue ville-sanctuaire
à longueur d'année alors que la Vierge Noire ne faisait
recette que certains jours. De plus, les villages des montagnes ont vu
se réinstaller une vie grâce à ces pèlerins-marcheurs. Il faut reconnaître
l’efficacité de cette démarche et saluer la réussite de cette promotion
qui doit aussi beaucoup à la majesté des paysages de l’Aubrac.
Etait-il nécessaire de travestir l'histoire pour promouvoir le chemin du Puy ? La majesté des paysages de l'Aubrac et les révélations du protévangile liant saint Jacques à Notre-Dame n'étaient-ils pas suffisants ? Sur la place du Puy dans le renouveau du pèlerinage, voir un article du Monde des 17/18 août 2003 et les commentaires de la Fondation : article du Monde. |
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