LES ITINERAIRES CULTURELS DU CONSEIL DE L'EUROPE Compte-rendu de la réunion des 22 et 23 novembre 1993 à Strasbourg, "revitaliser les chemins de Saint-Jacques"A l'occasion de l'Année Sainte 1993, le Gouvernement espagnol a demandé au Conseil de l'Europe de provoquer une réunion-bilan concernant la revitalisation de ce premier itinéraire culturel européen. Cette réunion s'est tenue les 22 et 23 novembre 1993. Les débats n'ont pas permis de sortir complètement de l'approche géographique du chemin, (identification et balisage) comparé à la Grande Muraille ! Les voeux émis pour la coordination d'un programme d'animation culturelle n'ont pas été suivis d'effet près de 10 ans après cette conférence. (fév. 2003). Voir l'ordre du jour de cette réunion La Déclaration de Saint-Jacques de CompostelleC'est en donnant suite à la Recommandation 987 (1984) de l'Assemblée parlementaire et aux discussions de la IIe Conférence européenne des Ministres responsables du Patrimoine Architectural (Grenade 1985) que le Conseil de l'Europe a proposé en 1987 que les Chemins de Saint-Jacques constituent le premier itinéraire culturel européen. Le déplacement des pèlerins vers Saint-Jacques est en effet considéré comme le plus important mouvement de masse du Moyen- Age. Comme l'indique J.M. Ballester dans le texte destiné à paraître dans la brochure générale de présentation des Itinéraires culturels du Conseil de l'Europe "Le pélerin de Compostelle, disait-on, était considéré à son retour comme un homme nouveau. Sur le plan spirituel d'abord mais aussi selon la mentalité de l'époque, parce qu'il avait tiré le bénéfice de son pélerinage. Sur le plan humain ensuite, parce qu'il est allé jusqu'au bout de l'Europe. Il avait approché d'autres horizons, d'autres nationalités et d'autres cultures. Parce qu'il avait connu d'autres modes de vie et qu'il avait appris à mettre en valeur la différence, parce qu'il avait participé à la construction d'un monde nouveau où le dialogue interculturel a joué un rôle déterminant".
Un patrimoine réel et imaginaireCet itinéraire qui pousuit une démarche fondée sur la connaissance de l'autre, l'acceptation des différences et le dialogue interculturel au service de la construction d'un monde nouveau, est bien un itinéraire réel, puisqu'il comporte un patrimoine artistique, architecturel, musical, littéraire, ethnographique unique qui nous permet de retracer d'un bout à l'autre de l'Europe les voies de pèlerinage. C'est à travers lui que se sont développés l'art roman, puis l'art gothique, que les chansons de geste ont circulé, que s'est produite la synthèse des cultures érudites et populaires de l'Europe médiévale. Il est composé de chemins physiques qui sont devenus au fil des siècles des voies d'échange, des voies commerciales et se trouvent souvent à l'origine de réseaux de communication actuels. Des chemins sur lesquels se sont constitués des haltes, elles-mêmes souvent à l'origine de villages et de villes où l'urbanisme reflète le brassage des nationalités. Mais c'est aussi un itinéraire naturellement porteur d'imaginaire. Parce que le regard que chacun des pèlerins, des voyageurs porte sur le patrimoine et sur le paysage dans lequel il s'inscrit est unique, parce que chacun, dans cette démarche de rencontre, apporte son univers personnel, découvre l'univers de l'autre et repart différent. Les objectifs du Conseil de l'EuropePour revitaliser l'itinéraire de Saint-Jacques, l'Europe s'était fixé en 1987 trois objectifs - Travailler avec des spécialistes pour identifier les routes et établir des cartes. - Créer un emblème commun qui permette de visualiser cet ensemble de chemins sur le territoire européen en soulignant la portée symbolique de l'espace défini par ces voies de pèlerinage. - Coordonner un ensemble d'actions qui impliquent des partenaires publics et privés, en particulier associatifs. Des actions qui partent de la définition d'une éthique et d'une déontologie, en passant par une sauvegarde physique des lieux, par la protection et la mise en valeur du patrimoine et de son environnement, pour arriver à la mise en place d'une animation qui respecte les différentes sensibilités des pèlerins et les attentes des touristes. Ces trois objectifs et leurs différentes composantes doivent être aujourd'hui très clairement reliés à la réorientation générale des Itinéraires culturels du Conseil de l'Europe. C'est pourquoi il était très important de refaire en commun avec des experts scientifiques, des représentants des associations jacquaires et des décideurs politiques, un bilan des réalisations et des attentes de ces partenaires. De même qu'il paraissait essentiel de faire émerger des réseaux qui, à l'égal des autres itinéraires, prennent en charge ces objectifs et établissent avec le Conseil de l'Europe des modalités de collaboration très claires. BalisageIl est toujours difficile de résumer un débat qui s'est poursuivi durant deux jours et a fait justice d'opinions différentes et contrastées. Mais, en ce qui concerne le balisage, de nombreux participants ont indiqué qu'il doit absolument être adapté à chaque cas particulier et être conçu en harmonie avec le pays et le paysage. Ils ont également insisté sur certains excès de densité dans le nombre de panneaux. Pour reprendre les termes des participants "Les arbres, le long des chemins, sont parfois mieux que les bornes" ou encore: "Le chemin est le bien de ses habitants" . La vérification du respect des règles de balisage est en effet une question importante, mais elle ne peut être traitée qu'au niveau des autorités locales, en fonction d'une politique générale concertée avec le Conseil de l'Europe. De plus, si cette question est essentielle pour les pays où les chemins sont denses et bien identifiés, l'extension de l'itinéraire du Conseil de l'Europe aux régions nord et est de l'Europe met en avant "la nécessité de se préoccuper tout autant de l'essence de ces chemins et de leur émergence dans la civilisation contemporaine au travers d'actions diversifiées, qui vont bien au-delà de la visualisation, pour nécessaire qu'elle soit" . Revitalisation et avenirQue faire pour revitaliser l'itinéraire de Saint-Jacques et en stimuler la fréquentation, tout en maîtrisant celle-ci ? Tous les participants s'accordent sur le fait que ces anciens chemins de pèlerinage doivent être utilisés dans l'intérêt de tous ceux qui suivent ces routes, que ce soit pour des raisons spirituelles ou pour d'autres raisons telles que l'expérience du chemin, la marche elle-même, la découverte des monuments et des oeuvres d'art, le dialogue et les échanges interculturels, la découverte d'autres façons de vivre, le fait de suivre une réelle expérience européenne. Mais il est difficile de séparer dans les arguments riches et variés qui ont été échangés ce qui concerne le présent et l'avenir, tant ces deux points sont liés. L'état de fragilité des chemins de Saint-Jacques et du patrimoine qui les jalonnent, ainsi que la nécessité impérieuse de leur protection et de leur restauration font l'unanimité des participants. De nombreuses parcelles, ainsi que des ponts sont détruits en raison du remembrement des terres, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisation croissante. L'utilisation massive des chemins constitue également un danger. La nécessité d'instaurer leur protection juridique et pratique, aussi bien dans les campagnes que dans les villes, celle d'étendre les travaux de restauration, apparaît pour beaucoup comme l'action primordiale. C'est à quoi s'est attaché le Consejo Jacobeo, en visant d'abord à rectifier les erreurs commises par le passé. "Le Chemin de Saint-Jacques est un bien culturel d'une étendue et d'une diversité considérables, sans doute l'un des plus importants au plan mondial à l'exception de la Grande Muraille de Chine". Mais il ne faut pas penser que la protection juridique développée en Espagne est un cas général en Europe. D'autres pays viennent seulement de commencer l'inventaire et le classement des chemins. Il s'agit de fait, vu l'ampleur des chemins, de trouver un programme cadre et un organisme de cadrage et de coordination qui respecte et encourage un partenariat concret de région à région. "La collaboration transfrontalière est essentielle, la continuité des chemins étant insécable" . En un mot pour la protection des chemins "il faut être avant tout jacquaire et non jacobin". Actions sociales et économiquesL'un des points les plus importants soulevé par les participants est celui du rôle joué par les Chemins de Saint-Jacques dans le cadre des politiques sociales et économiques nationales ou régionales. Les chemins de Saint-Jacques doivent être un moteur respectant l'économie locale. "C'est un faisceau reliant imaginaire et réalité sociale". Si "le chemin de Saint-Jacques est la grande rue de l'Europe sur laquelle ont circulé toutes les cultures européennes", c'est aussi "un lieu concret d'apprentissage en matière de qualification professionnelle et sociale", un "terrain pour la création d'emploi" . L'Allemagne développe ainsi un programme-pilote tourné vers les jeunes au chômage pour remettre en état des tronçons des chemins, des ponts, des bâtiments. En effectuant ce travail, ils apprennent non seulement à préserver l'environnement, mais à recréer des liens sociaux disparus. La construction d'auberges, la création de petites entreprises, la revitalisation de l'artisanat, sont également envisagés dans un cadre expérimental mettant en oeuvre des échanges de jeunes allemands et de jeunes espagnols. De manière générale, l'animation des chemins est étroitement liée à l'économie. Des expositions d'art pour les adultes et les enfants, des concours, des ateliers artistiques et artisanaux, des "journées portes-ouvertes", des classes européennes du patrimoine où la population rurale invite les visiteurs à redécouvrir les techniques et les activités traditionnelles sont autant d'exemples d'animations citées. Information et communicationLa nécessité réaffirmée par les différents partenaires d'être tenus au courant des initiatives prises et des actions entreprises par tous les acteurs des chemins, rend la circulation de l'information indispensable. En dehors des publications spécifiques de différentes associations jacquaires, des publications scientifiques, des livres, qui sont nombreux, une forme d'information plus immédiate doit aussi exister. Au Royaume-Uni, les informations européennes concernant les Routes de Saint-Jacques de Compostelle sont réunies et diffusées tous les deux mois. En Galice une base de donnée spécialisée a été mise au point et les représentants de la Galice proposent de la mettre à la disposition de tous ceux qui seraient intéressés par l'information qu'elle contient ou qui voudraient l'alimenter. Cette base, et d'autres, comme la documentation photographique de l'Association de Coopération Inter-régionale "Les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle", devraient pouvoir coordonner leur travail en relation avec le Centre de Ressources des Itinéraires culturels à Strasbourg. Les participants demandent également que l'information sur les Chemins de Saint-Jacques en général, ainsi que celle concernant l'accueil des pélerins et des touristes soit accessible le long des chemins. De petits centres de renseignement et de documentation pourraient être établis à cet effet. Le Conseil de l'Europe mettra également mettre au service de l'Itinéraire de Saint-Jacques les moyens d'information et de publication qui sont à l'oeuvre dans le cadre de l'ensemble du programme. Les partenariats du Conseil de l'Europe : coordination et coopération La promotion des Chemins de Saint-Jacques est difficile réaliser en raison même de la diversité des partenaires associations de pélerins, associations scientifiques, associations jacquaires, instituts de recherche, pouvoirs religieux, administrations territoriales. Les participants à cette réunion insistent donc d'autant plus pour que les actions mises en oeuvre par les différents partenaires soient non seulement répercutées par les moyens d'information, mais surtout coordonnées. La coopération entre régions sur le plan national et international est vivement recommandée. Elle se développe déjà en Espagne au sein du Consejo Jacobeo et en France au sein de l'Association de Coopération Inter-régionale "Les Chemins de Saint-Jacques de Compostelle". Cette dernière se proposant pour constituer la base d'un réseau international élargi qui facilite la coopération politique et technique. Une coopération avec l'Association des Régions d'Europe (ARE) , ainsi qu'avec la Conférence Permanente des Pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe serait également utile pour attirer l'attention des régions et des localités traversées par les chemins de Saint- Jacques sur le rôle économique et social joué par cet itinéraire. En terme de coopération scientifique plusieurs représentants d'associations jacquaires insistent pour que les missions confiées aux experts soient accompagnées de "Mandats" ou de "Lettres de mission" précis pour faciliter la recherche et les démarches qu'ils entreprennent auprès de diverses autorités. Conclusions ouvertes vers l'avenirDans les conclusions de cette réunion, le Secrétariat a souligné l'importance de la fonction "structurante" des Itinéraires culturels, tels qu'ils sont mis en oeuvre aujourd'hui au sein du programme. Il s'agit tout à la fois de revaloriser un marqueur identitaire autour duquel la population locale puisse se reconnaître et se mobiliser, de bâtir autour de cette identité des actions culturelles et économiques et d'accueillir les touristes en créant les conditions d'un dialogue et d'un respect mutuel réels visiteurs-visités. M. Raymond Weber, Directeur de l'Enseignement, de la Culture et du Sport a lui même indiqué les axes de travail essentiels qui se dessinaient à la suite de cette réunion : - L'importance de constituer un réseau qui porte et développe les actions diversifiées de l'itinéraire de Saint-Jacques de Compostelle et constitue un relai régional pour garantir la protection juridique et maintenir la qualité des chemins. - La nécessité d'une coordination et d'une évaluation constantes des actions entreprises. - La nécessité d'améliorer et de coordonner l'information en mettant en réseau les bases de données et les outils d'information existants y compris avec le Centre de Ressources du Conseil de l'Europe et avec ses publications. - L'importance de tenir informés les participants sur l'évolution de l'ensemble des Itinéraires culturels et de sa méthodologie de mlse en oeuvre. De plus, le Conseil de l'Europe pourrait instituer des groupes de travail dans certains domaines comme celui de la réactualisation de la carte publiée par la France et l'Espagne, à partir des recherches récentes. Enfin, le rôle essentiel joué par les Chemins de Saint Jacques pour "la rencontre de l'autre" doit aider selon lui à relever les défis qui sont lancés à l'Europe d'aujourd'hui.
PARTICIPANTSM. François Baby (France) , M. Angel Luis Barreda (Espagne) , M. Vilmos Bognar (Hongrie) , M. Paolo Caucci Von Sauken (Italie) , M. Olivier Cebe (France) , M. Luis Celeiro (Espagne) , M. Frank Claessen (Pays-Bas) , M. René de la Coste Messeliere (France) , M. Manuel Diaz y Diaz (Espagne) , M.José Ignacio Diaz Perez (Espagne) , M. Edouard Egloff (Suisse) , M. Mikel Etxebarria (Espagne) , M. Michel Frederickx (Belgique) , M. Miguel Angel Garcia Recio (Espagne) , M. Alain Gillis (Belgique) , Mme Ma Angeles Gutierrez Fraile (Espagne) , M. Dariusz Jachimowicz (Pologne) , M. Peter Kappenstein (Allemagne) , M. Robert Latreille (France) , M Jesùs Javier Marcotegui (Espagne) , M. Joseph May (Grande-Bretagne) , Mgr Celestino Migliore (Saint-Siège) , M. Pablo delOlmo (Espagne) , Mme de Paz Rodriguez Del Carmen (Espagne) , M. Robert Plotz (Allemagne) , M. Matjaz Puc (Slovénie) , M. Joao Rebello De Carvalho (Portugal) , M. Jos Reinards (Belgique) , M. Jean-Pierre Renard (Belgique) , M. Miguel Angel Ropero (Espagne) , Mme Maria da Graça De Reça Sanches Da Gama (Portugal) , M. Hans Schneider (Suisse) , M. Rodolfo Segura (Espagne) , Mme Anne-Marie Simon (France) , M. Brian Tate (Grande-Bretagne) , M. Segundo Vazquez Portomene (Espagne) , Mme Jeanine Warcollier (France) , M. Théo Wyler (Suisse) . |