page établie le 2/09/2004
mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil

Franco et saint Jacques Matamore

Un coup d’œil d’historien sur une peinture murale de Reque Meruvia, Madrid, Archives Générales militaires.
Les recherches sur la permanence de l'image de saint Jacques Matamore à l'époque contemporaine ont conduit à la découverte d'une peinture murale étonnante.
Nous la présentons ci-dessous avec un commentaire d'un historien, Jean-Pierre Amalric, et une première réaction de l'un de nos adhérents galiciens, Carlos Montenegro.

saint Jacques Matamore et Franco
peinture murale de Reque Meruvia, Madrid, Archives Générales militaires

Le point de vue d'un historien
 

Au centre, la figure du « caudillo » agenouillé, revêtu d'une armure de chevalier, tenant la rondache d'une main ferme, enveloppé dans un manteau d'un blanc immaculé, s'impose évidemment...
- d'autant plus qu'il est survolé par un cavalier montant un cheval blanc qui évoque irrésistiblement un « Santiago Matamoros », surgissant au combat comme le veut la légende de la bataille de Clavijo ;
- à droite de Franco, trois silhouettes de religieux portant des frocs de couleurs différentes (on distingue un dominicain, peut-être un franciscain...) évoquent le soutien de l'Eglise à la « Croisade » ;
- à l'extrême droite du tableau, l'évocation du défilé de la victoire célébré à Madrid en avril 1939 se distingue en raison de la silhouette de l'arc de triomphe élevé à la Moncloa ; il met en évidence les cavaliers de la garde marocaine de Franco... dont la présence voyante à ses côtés peut évidemment étonner sous l'égide du saint « Matamoros » !!!
- parmi les combattants, plusieurs portent la « boina », le béret rouge des « requetés » carlistes, une composante essentielle de la coalition franquiste ; d'autres semblent porter la chemise bleue (camisa azul) de la Phalange, dont on aperçoit l'emblème (le joug et les flèches) ;
- à gauche du tableau, la vision marine évoque sans doute les origines familiales de Franco (né au Ferrol en Galice), ainsi que le rôle des marins espagnols dans les grandes découvertes ; Il faudrait identifier l'image de la Vierge qui plane dans le ciel (N.D.L.R. : vraisemblablement la Vierge du Pilier à Saragosse, entourée des anges chantants).
Bref saint Jacques s'impose comme le patron tutélaire de la « Croisade »...

Jean-Pierre Amalric, professeur émérite à l'Université de Toulouse Le Mirail



Quelques commentaires au "Saint Jacques Matamore et Franco"

Le professeur J.P.Amalric fait remarquer, avec raison, l'étonnante présence de la garde marocaine de Franco sous l'égide du Matamoros. Je vous traduis un paragraphe du livre de Pablo Arribas Briones "Pícaros y picaresca en el Camino de Santiago", Burgos 1999, qui raconte avec humour de ridicules situations similaires :

Pour l'anecdote rappelons l'embarras causé quand il s'agissait de rapidement cacher le saint Jacques Matamores du palais Rajoy (N.du T. statue qui surplombe le bâtiment qui fait face à la cathédrale sur la place de l'Obradoiro) chaque fois que le capitan général maure, Mohamed Ben Mizzian, grand ami de Franco, arrivait à Compostelle depuis La Corogne.
Antón Anxo Pombo nous raconte ce qui est arrivé pendant un défilé militaire à la fin de la guerre civile où participaient des troupes franquistes d'origine marocaine : " La présence du Matamoros de Gambino, qui devait participer au défilé, pouvait être une offense pour les troupes islamiques qui avaient fait un si bon travail en faveur de la religion catholique en Espagne. On décida de cacher avec un parterre de fleurs les guerriers maures terrassés aux pieds de la statue. Il restait l'Apôtre brandissant, sans objet, une menaçante épée qu'on décida également de retirer. Quand l'image est apparue, beaucoup de gens ont été bien surpris de la transformation : Saint Jacques cavalier au poing levé! Saint Jacques communiste!"

statue de saint Jacques Matamore par Gambinostatue de saint Jacques Matamore à Compostelle

Statue de saint Jacques Matamore en bois polychrome, sculptée par Gambino. Cette statue est placée dans une chapelle de la cathédrale de Compostelle.
Dans certaines circonstances, elle était sortie pour les fêtes.
Le site a déjà rendu compte d'une polémique récente à propos de cette statue. lire l'article

Je me permets d'ajouter une remarque sur la peinture murale :

Dans la partie gauche du tableau, trois personnages, fusil en joue, rappellent étonnemment les soldats napoléoniens qui dans le tableau de Goya "Tres de mayo" tirent sur les espagnols soulevés contre l'occupation française. Ces trois personnages paraissent viser la Vierge "qui plane dans le ciel", selon les mots de J.-P. Amalric, ce qui ferait penser qu'ils représentent "los rojos" qui pendant la guerre civile se sont attaqués aux institutions religieuses soutien de Franco. Le peintre a pu vouloir faire un parallèle qui rejoindrait les obsessions du dictateur.

Amicalement
CARLOS

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