Les Vierges Noires ont été très nombreuses dans tout
l’Occident à partir du XIIe siècle. On en trouve tout particulièrement
en Auvergne, peut-être à cause du rayonnement de l’une des
plus célèbres, Notre-Dame du Puy.
Mais les Vierges Noires auvergnates ont une spécificité, elles
sont des Majestés : assises, elles présentent l’Enfant à l’adoration
des fidèles. Depuis le XVIe siècle, elles sont vêtues d’un
riche manteau qui s’élargit à partir des épaules
et leur donne un aspect conique qui n’est pas sans rappeler les idoles-cloches
de l’Antiquité. Le vêtement se ferme bord à bord et
ne laisse apercevoir de l’Enfant que sa tête, à l’aplomb
de celle de sa mère.
Les plus belles Vierges du Cantal datent toutes des XVIIe et XVIIIe siècles.
La Vierge d’Aurillac conservée à l’église Notre-Dame
des Neiges est une des représentations les plus véridiques de
celle du Puy. Une autre est conservée au château d’Anjony,
dont on ignore la provenance. Une troisième était à Magnac
avant la mise en eau du barrage de Granval. De là elle fut transportée à l’église
de Fridefont avant d’être confiée au musée Douhet
de Saint-Flour. Enfin la Vierge de Mauriac, Notre-Dame des Miracles, gravement
mutilée à la Révolution a été reconstituée à partir
de sa tête et de son buste, mais en une statue debout.
Comment étaient-elles auparavant ? Nul ne sait car aucun texte médiéval
ne spécifie leur couleur. Sans doute pour attirer davantage de pèlerins,
plusieurs ont été peintes en noir entre le XVe et le XIXe siècle,
par-dessus une polychromie antérieure que certaines restaurations ont
fait réapparaître. Mais ces statues polychromes n’ont-elles
pas elles-mêmes remplacé des statues noires, désapprouvées
par l’Eglise ? Car le mystère des origines reste entier. On a parlé de
visages noircis par la fumée des cierges, d’oxydation des lamelles
métalliques recouvrant le visage, de bois noirci par un long enfouissement
dans l’eau. On a pensé, à propos de vierges rapportées
par les Croisés à l’image de certaines femmes rencontrées
là-bas. On a évoqué une illustration du Cantique des Cantiques, « Je
suis noire et pourtant belle… ». Mais le culte des Vierges Noires
est déjà bien répandu lorsqu’on identifie ce texte à Marie
(auparavant c’était Israël captive de Babylone puis l’Eglise
des premiers chrétiens). Une autre hypothèse fait de Marie le
successeur des divinités noires qui régnaient sur le monde des
morts, la plus connue étant Cybèle, mère des dieux grecs
ramenée à Rome sous la forme d’une pierre noire. Le passé inconnu
de ces Vierges Noires n’est pas sans leur ajouter un certain charme.
Pour en savoir plus :
le site de l'université de Dayton
et l'ouvrage de Sophie Cassagnes-Brouquet, Vierges Noires, regard et
fascination, éd. du Rouergue, 1990, rééd. 1999 |