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Voila un film agréable à regarder avec de belles images.
Elles feront rêver beaucoup d’anciens pèlerins qui
se plairont à y retrouver des souvenirs « d’anciens
combattants » comme ils aiment tant le faire.
L’auteur a cherché à répondre à la
question qu’est-ce qui motive tant de pèlerins à marcher
vers Compostelle ? Dans sa présentation l’éditeur écrit
que le film « explore la notion de chemin et de cheminement intérieur ».
Le réalisateur le fait par des témoignages de pèlerins
et d’hospitaliers rencontrés sur le chemin et par ses
propres commentaires au long de ses étapes entre Saint-Jean-Pied-de-Port
et Compostelle. La question posée est bien sûr sans réponse
unique, tant sont différentes les situations et les démarches
individuelles. Le film illustre bien cette grande variété des
réponses. Mais, malgré sa longueur de 54 minutes, l’exploration
reste superficielle. L’auteur n’a pas assez creusé les
réponses de ses témoins. Frustrés par l’interruption
trop rapide de témoignages intéressants, nous avons eu
l’impression de survoler un territoire plus que de l’explorer.
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Par contre, le film insiste trop, à notre avis, sur des séquences
identiques sans rapport direct avec le sujet qu’il prétend
traiter : les tampons, les ombres sur le chemin, les tablées
et les dortoirs, les pieds … Ces séquences rendent bien
compte de la vie du chemin avec son caractère répétitif,
banal et parfois monotone, voire ennuyeux. Elles ne répondent
pas à la question « pourquoi faire le chemin ? ».
A moins que certains ne prennent le chemin pour collectionner des tampons,
voir leur ombre, retrouver l’ambiance du régiment ou soigner
leurs pieds … ? Fallait-il en outre perdre du temps sur le choix
d’un bourdon fantaisie ? De bonnes choses auraient mérité d’être
approfondies :
- l’importance de la durée du pèlerinage, et de
son impact sur les sensations, les émotions, la spiritualité … tout
cela est certes difficile à dire, mais beaucoup de pèlerins
rapportent des récits de « petits miracles du chemin » qui
en sont l’illustration,
- la référence à l’Apocalypse et à la
Jérusalem Céleste, à l’origine de l’image
des millions de pèlerins dans les pas desquels les pèlerins
d’aujourd’hui croient mettre les leurs. Le spectateur non
averti relèvera-t-il cette idée récente de pèlerins
symboliques constituant la foule des élus ? Ce sera d’autant
plus difficile que l’auteur présente encore l’image
traditionnelle de foules réelles.
- les haltes spirituelles : beaucoup d’images auraient mérité un
commentaire, ce que ressent le spectateur assis dans son fauteuil n’est
pas ce qu’a vécu le pèlerin, comment le lui faire
découvrir ?
- les relations avec les habitants des villes et villages traversés,
au-delà d’un Olla ou d’un salut de la main.
Nous avons regretté l’absence quasi-totale de saint Jacques.
Sans doute est-ce significatif de son absence dans le cœur et
l’esprit des pèlerins ? Le film montre de belles photos
de statues mais n’en dit rien. A chacun de faire son commentaire
ou de réveiller ses souvenirs. La place modeste de l’Eglise
en dehors de la bénédiction de Roncevaux, de la soupe à l’ail
traditionnelle d’un curé espagnol et de la cathédrale
de Compostelle est sans doute également significative du faible
l’intérêt que lui portent un grand nombre de pèlerins.
Nous avons apprécié l’absence des erreurs historiques
habituelles dans tout ce qui concerne Compostelle, en dehors de la
mention de « plus grand pèlerinage de la chrétienté ».
Elle figure malheureusement sur la boîte du film et colporte
ainsi un des poncifs traditionnels.
Le final montre bien l’émotion des pèlerins qui
se retrouvent puis se quittent à Compostelle, émotions
partagées, fruits des amitiés du chemin d’autant
plus profondes qu’elles sont éphémères. En résumé, il nous a semblé que l’auteur
avait traité deux sujets : le reportage sur la vie du chemin
et le documentaire répondant aux questions posées au
début du film. A moins que ces deux sujets ne soient inséparables
et que la vie sur le chemin, avec sa monotonie et sa banalité ne
soit en fin de compte la réponse unique à la question
posée ? Cette réponse serait alors «on marche sur
le chemin pour rompre avec le quotidien ».
Il resterait ensuite à répondre à la question « pourquoi
vers Compostelle » en dehors d’un effet de mode et d’un
engouement médiatique ? C’est la « magie » de
Compostelle. A quoi tient-elle ? Si le film met en marche de nouveaux
pèlerins son auteur aura su la transmettre sans la définir
mieux que ceux qui s’y sont essayés avant lui. La magie
tiendrait-elle alors dans le titre « Vagabond de Dieu » ?
Ce Dieu qui n’est présent qu’en creux dans le film
parce qu’Il se révèle seulement à qui sait
voir et écouter. Ce Dieu qui a dit « Tu ne me chercherais
pas si tu ne m’avais déjà trouvé »,
si tu ne t’étais mis en chemin. Ce « Dieu du chemin » que
n’enferme aucune Eglise. Jacques d’Anvailles
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