Accueil | mise à jour le 20 janvier, 2006 | Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. | survol du site | Page précédente |
En 1999, dans son n°6 consacré aux pèlerinages charentais
sur les chemins de Compostelle, la revue Xaintonge s’interrogeait : "pèlerinage
confidentiel ou chemin de grande randonnée ?"
Sur un mode un tantinet ironique, la rédaction s’étonnait du
silence de la mémoire collective à propos de ce grand pèlerinage alors que sont
encore vivants des pèlerinages locaux manifestement antérieurs. Et de conclure
: en Charente, les tracés n’ont aucune valeur historique. Il suivent des voies
attirantes par la beauté de leurs sites ou de leurs monuments. Ils font découvrir
des communes oubliées du tourisme, parfois au grand étonnement de leurs habitants.
Un exemple particulièrement significatif :
TALMONT sur le chemin de Saint-Jacques.*
* voir : Talmont-sur-Gironde, un pèlerinage oublié
L’histoire
Si vous demandez à un Charentais maritime du commun des mortels de vous citer un seul endroit qui ait un rapport avec Saint-Jacques de Compostelle, ne vous attendez pas à ce qu'il vous dise Saint-Eutrope ! Les dix pages que lui consacre le Guide d'Aimery Picaud ne lui sont absolument pas parvenues. Par contre, il vous répondra : Talmont-sur-Gironde. On raconte qu'ici, après avoir prié sainte Radegonde, patronne des lieux, les pèlerins embarquaient pour Compostelle, envoyés par l'abbaye de Saint-Jean d'Angely dont Talmont était une des nombreuses dépendances ! Evidemment, on se pose quelques questions.
Et pourquoi donc, puisque le pèlerinage à consisté à prier des
reliques, aurait-on fait ici le détour où il n'y avait rien à toucher,
alors qu'à une heure de marche, se trouve le très prestigieux tombeau
de Roland ? Du coup, on vous explique qu'en face, les pèlerins allaient
prier Notre-Dame de la Fin des Terres, alias sainte Véronique, celle qui,
à la station IV du Chemin de Croix, essuya de son voile le visage de Jésus
montant au calvaire, tissu sur lequel s'imprima I'image du Christ ! Ce
qui étonne, c'est que des pèlerins soient venus traverser la Gironde en
plein milieu de l'estuaire et aient remonté au nord vers Soulac, alors
que c'est au sud qu'ils allaient ? Pourquoi, s'ils allaient en Galice
par la voie des mers, n'ont-ils pas opté pour un lieu de partance plus
pratique ?
Au début du XXe siecle, de nouveaux mots sur Talmont apparaissent : "abbaye romano-byzantine", "mort de Talmont, victime de l'abandon et du péril des flots". Des descriptions sont reprises dans les mêmes termes en 1926 dans le roman Monique, poupée française publié chez Flammarion et dont l'action se situe à Talmont. Mais pas une ligne sur le pèlerinage. Comme le dit notre interlocuteur, "avec Compostelle, il y aurait eu pourtant de beaux développements à faire". En 1936, le maire Felix Clanet, qui publie des opuscules pour promouvoir sa commune, ne parle pas davantage d'embarquement de jacquets. En 1941, quand on fonda la société des Amis de Talmont, toujours rien sur la Galice, et encore rien dans les écrits de Firmin Seguin (1890-1950), dernier abbé résident et Dieu sait combien il s'est démené pour attirer des pèlerins pour sauver son église, que bon nombre de Charentais ont mémoire d'avoir vue en bien triste état. Et Jacques Tribondeau de conclure : "Charles Dangibeau (1852-1935), le plus sérieux des érudits qui a relevé tous les documents, chartes, actes divers relatifs à Talmont, n'a jamais fait mention de pèlerinage compostellan, même à propos du port ...
L'étude de Jacques Tribondeau date la naissance de Talmont-étape sur le chemin de Saint-Jacques : 1938. Naissance d’une légende En 1934, Jeanne Digard ouvre la voie en situant Talmont sur la grande route de Blaye, sans donner aucune référence justificative : "L'importance de Talmont au Moyen-Age était
due surtout à sa situation sur la grande route pour se rendre à Blaye.
Bien qu'il existât une route par Pons, celle du littoral était d'autant
plus connue qu'elle suivait l'ancienne voie romaine..." (Jeanne
Digard,
L’église Sainte-Radegonde de Talmont-sur-Gironde, PUF,
1934). "Le bourg se peupla vite, les bénédictins firent sa fortune, étant grands organisateurs du mouvement qui entraînait les foules vers Saint-Jacques de Compostelle. Ils s'ingéniaient à créer des centres d'accueil, Talmont en était un. Là, les pèlerins retrouvaient ceux venus par la route de La Rochelle et de Saujon". On sait, poursuit le chanoine, "que c'est
en descendant de sa Bretagne natale que saint Emilion, en route pour
Compostelle, fit halte au Prieuré de Saujon où, renonçant à son voyage,
il embrassa la vie monastique"... Mais la vraie consécration
compostellane, poursuit Jacques Tribondeau, remonte à 1985, quand l'association
parisienne "Les Amis de saint Jacques" est venue apposer une plaque "Chemin
de saint Jacques" sur le mur du cimetière, officialisant ainsi le rôle
supposé de Talmont. Depuis, assure notre interlocuteur, "le mythe
prospère...
avec l’aimable autorisation de Xaintonge et de Jacques Tribondeau |
La propriété intellectuelle du contenu de ce site est protégée par un dépôt à la Société des Gens de Lettres
Page précédente | haut de page | Accueil |
|