Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle
page établie en février 2008
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 Restauration d'une statue figurant saint Jacques dans l'église de Salviac

L'article qui suit a été publié dans la revue Quercy Recherche, n°129, octobre-novembre 2007, pages 25 à 28.
Nous remercions son auteur, Nicolas Bru, chargé du patrimoine au Conseil général du Lot, conservateur des antiquités et objets d'art de nous avoir autorisés à le reproduire sur le site de la Fondation.
Les photographies qui illustrent cet article sont de Nelly Blaya, photographe au Conseil général du Lot.
La Fondation est heureuse de pouvoir présenter à ses visiteurs le très beau résultat d'une restauration d'un élément de notre patrimoine lié à un culte à saint Jacques. Il s'inscrit dans une politique du Conseil Général du Lot qui mérite d'être saluée.
Salviac qui possède une église dédiée à saint Jacques a contribué à la renommée de Compostelle car on y racontait la légende et les miracles du saint patron. Mais tous ceux qui sont venus prier à Salviac ne sont pas allés à Compostelle.
Nous nous réjouissons que cette restauration ait été faite pour la valeur de ce patrimoine et non pas en relation avec les chemins de Compostelle. Il arrive que des oeuvres soient négligées parce qu'elles ne sont pas "sur le chemin", ailleurs des créations contemporaines contestables sont dédiées "au chemin" alors qu'un patrimoine authentique est laissé à l'abandon. Le Lot montre l'exemple.

Une opération exceptionnelle a été menée à Grenoble sous l'égide du Commissariat à l'énergie atomique (CEA) sur une statue de saint Jacques représentative de la sculpture baroque du Lot.


La statue avant restauration
Nelly Blaya © Conseil général du Lot, janvier 2007

Le Conseil général du Lot s'investit fortement en faveur des Monuments historiques

Atypique en raison du procédé d'irradiation et de son mode de financement, cette restauration s'inscrit néanmoins dans le cadre des programmes de travaux sur les objets mobiliers classés et inscrits, suivis et coordonnés par la conservation des antiquités et objets d'art du Lot.
Cette mission relève usuellement du ministère de la Culture, mais est assurée depuis 2003 par le Conseil général du Lot qui a décidé de s'investir fortement en faveur des Monuments historiques.
Le Lot est ainsi le seul département en France à avoir accepté la gestion, entre 2007 et 2010, des crédits de restauration auparavant alloués par l'Etat aux communes et particuliers propriétaires d'édifices ou œuvres protégés.
Concrétisant sa volonté d'œuvrer en faveur de la connaissance, la conservation et la mise en valeur du patrimoine départemental, ce dispositif a d'ores et déjà permis de relancer une politique de restauration des richesses artistiques lotoises : vingt-trois opérations sur des retables, statues, tableaux, ..., bénéficient en 2007 du concours financier du Conseil général du Lot.
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L'année 2007 a vu la redécouverte d'une statue exceptionnelle, qui dormait paisiblement dans une petite chapelle bordant le chœur de l'église Saint-Jacques-le-Majeur.
Lauréate du concours national organisé par l'atelier Arc-Nucléart, sa restauration a été entièrement financée par le mécénat et s'est accompagnée d'une inscription à l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en reconnaissance de son intérêt patrimonial.
L'église Saint-Jacques-le-Majeur, un des rares édifices du Lot placés sous la protection du patron des pèlerins, est un remarquable monument érigé au cours du second quart du XIVe siècle. Elle se distingue à la fois par la qualité de son architecture gothique, mais aussi ses deux retables baroques qui ornent les bras du transept.
Le chœur de l'église abritait probablement jusqu'à la fin du XVIIIe siècle un troisième retable, sans doute détruit au cours de la Révolution après que l'édifice fut temporairement transformé en temple de la Raison par les tenants de l'anti-christianisme. Ce maître-autel devait être encore plus monumental que les retables latéraux, si l'on en juge par la taille des seules trois statues aujourd'hui conservées : saint Pierre, saint Paul et saint Jacques.
Les figures de saint Pierre et saint Paul ont été entièrement repeintes, en même temps que les deux retables secondaires, par Albert Bertoletti, peintre italien qui réalisa entre 1872 et 1874 le décor pictural sur l'ensemble des murs et voûtes de l'édifice.
Seule la statue de saint Jacques échappa aux pinceaux des rénovateurs zélés du XIXe siècle, et nous est ainsi parvenue à peu près intacte dans son état de la fin du XVIIe siècle.

Une statue grandeur nature, sortie des ateliers Tournié


Détail du visage de saint Jacques avant restauration
Nelly Blaya © Conseil général du Lot, janvier 2007

La statue de saint Jacques ornait sans doute la travée centrale du retable du maître-autel de l'église de Salviac, accompagnée de Pierre et Paul, les deux piliers de l'Église qui trônent traditionnellement dans des niches latérales.
Cheveux longs et barbe bouclée, le saint au pied léger pointe l'index gauche vers les cieux et tient dans l'autre main le bourdon du pèlerin auquel est accroché une calebasse servant de gourde.
Il est vêtu de chausses nouées de sangles, d'une cotte (tunique pourvue de manches et s'arrêtant au dessus du genou) et d'un surcot (habit sans manches et fendu sur les côtés, au col boutonné et orné de deux grosses coquilles Saint-Jacques). Il porte par-dessus son épaule la pèlerine, chaude cape retombant jusqu'à ses pieds.


Le départ de la statue vers Grenoble
Nelly Blaya © Conseil général du Lot, janvier 2007

Mesurant 1,95 m de haut, le corps central de la statue est réalisé dans un tronc de tilleul évidé, tandis que les membres et parties inférieures y ont été greffés à l'aide de nombreux clous aujourd'hui oxydés. L'œuvre se pare d'une fine polychromie rosée pour les carnations et a reçu une dorure à la feuille sur les vêtements.
Cette dernière a subi les assauts du temps et des petites mains de la paroisse qui, à force de l'astiquer, ont usé l'or jusqu'aux apprêts blancs. Le bâton était quant à lui recouvert de feuilles d'argent, dont seule l'assiette rouge témoigne encore.
Aucun document historique ne permet de préciser la datation ni l'auteur des retables de Salviac. Toutefois, les comparaisons avec d'autres œuvres similaires dans le Lot laissent supposer qu'ils ont probablement été réalisés au cours du dernier quart du XVIIe siècle par les ateliers de Jean II Tournié, membre d'une célèbre famille de sculpteurs et menuisiers installés à Gourdon.
Exemple parmi d'autres, le saint Ferréol de Lherm présente les mêmes caractéristiques que le saint Jacques de Salviac : yeux révulsés par l'extase, foisonnement des cheveux ou bottes à mi-tibias.

Une restauration hors du commun : la radioactivité contre les insectes


La statue en cours d'irradiation aux rayons gamma
© Arc Nucléart / CEA Grenoble, 2007


En cours de restauration, juste avant la pose d'une nouvelle dorure
© Arc Nucléart / CEA Grenoble, 2007

La commune de Salviac fait partie des cinq lauréats du concours 2006 organisé par le Commissariat à l'énergie atomique (CEA) et l'association des Maires de France pour la préservation d'objets du patrimoine culturel en bois ou en cuir, appartenant aux communes françaises.
Elle s'est ainsi vue offrir la restauration de la statue de saint Jacques, réalisée par l'atelier régional de conservation Arc-Nucléart installé à Grenoble.
Spécialisé dans le traitement et la consolidation des bois gorgés d'eau, provenant essentiellement de sites archéologiques subaquatiques, cet atelier intervient aussi de façon plus classique sur tout type d'œuvre d'art en bois.
Bénéficiant des installations du CEA, la statue a fait l'objet d'une technique unique en France d'exposition radioactive aux rayons gamma, destinée à éradiquer tout insecte xylophage ou champignon, causes de lentes mais sûres dégradations des bois anciens.
L'irradiation déstabilise les électrons qui gravitent autour des noyaux de l'atome, provoquant un dysfonctionnement au sein de l'organisme vivant et entraînant sa mort.
Cette solution est une alternative aux traitements plus courants de désinfestation des œuvres en bois, que ce soit à l'aide de produits chimiques ou, plus rarement, de privation d'oxygène (anoxie).
Le décrassage et le lent nettoyage des ors et polychromies ont permis de retrouver l'éclat des décors d'origine. Ils ont été suivis de la fixation des écailles et éléments les plus fragiles, de la purge des quelques rafistolages anciens (notamment de cartonnages sur les pieds) et de la stabilisation des clous contre la rouille.
Afin de ne pas perturber la lecture globale de l'œuvre, il a été fait le choix de réintégrer partiellement les dorures par trop altérées, notamment sur l'avant-bras droit : la pose d'aquarelle sur les rebouchages permet néanmoins de conserver la distinction entre l'or ancien et les ajouts modernes.
Enfin, il a été décidé, en concertation avec la municipalité et l'atelier de restauration, de ne pas remodeler le nez du personnage, considérant que cet accident de l'histoire n'altère en rien la compréhension du visiteur et suscite au contraire son pouvoir d'imagination.

La statue a ainsi repris place dans le chœur de l'église de Salviac en septembre 2007,
à l'occasion des Journées européennes du Patrimoine.


Auteur
Nicolas Bru, chargé du patrimoine au Conseil général du Lot, conservateur des antiquités et objets d'art.
Auteur des photographies
Nelly Blaya, photographe au Conseil général du Lot

Bibliographie
- Boyer d’Agen, "La Révolution à Salviac", in Bulletin de la Société des Etudes du Lot, 1934, pages 155 à 166.
- Rousset Valérie, L'église Saint-Jacques-le-Majeur de Salviac, notice de présentation pour le site Internet http://www.patrimoine-lot.com/.

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