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Aspects Gascons des Chemins de Saint-Jacques

par Osmin RICAU, Conclusion

Pour la première fois, une histoire des pèlerinages de Saint-Jacques parle de la fatigue, de la faim, des ampoules et du mal aux dents. Pour la première fois, nous voyons un pèlerin parvenu à son but souffrir dans son âme et dans son corps, verser des pleurs.
Pour la première fois, nous apercevons enfin dans ces confessions pures de tout calcul le pèlerin de jadis et de toujours, car si les chemins, les hôtelleries, les hôpitaux ont changé de visage, l'homme est resté le même avec ses élans courageux pour atteindre son rêve, la limite de ses forces physiques et de sa volonté, la joie de la réussite et l'amertume des renoncements.
Je tiens à souligner, en terminant, ces quelques lignes du " Padre " : "Oserai-je dire qu'après avoir annoncé urbi et orbi l'organisation du pèlerinage et lancé mes invitations, j'ai éprouvé quelque déception en ne trouvant que trois étudiants au départ. "
L'Abbé Joseph Martin (devenu ensuite archevêque de Rennes) était alors Aumônier des Etudiants Catholiques de Bordeaux. Il avait quelques raisons de croire à la sincérité, à la force de leurs convictions religieuses. Ces jeunes gens étaient alors oisifs, généralement riches et pouvant se permettre un voyage a pied, d'ailleurs le moins coûteux qui soit. L'idée avait été accueillie avec le plus grand enthousiasme ; elle avait été abondamment rappelée par des affiches, des circulaires, des lettres personnelles, des conversations,... Et pourtant, il n'y eut que trois étudiants présents au rendez-vous !
J'insiste volontiers. Car il est important de savoir que c'est un aspect constant du pèlerinage souvent envisagé, rarement entrepris.
Je le répète : sauf les mentions de Jacquayres décédés, dans les registres paroissiaux de Gascogne, le courant pèlerin est, de tous les divers courants d'échange entre la France et l'Espagne, celui qui a laissé le moins de traces dans nos archives. Il fut le moins important de tous dans la réalité. Mais, il prédomina hautement dans le domaine idéal. C'est, et de loin, le plus prestigieux et le plus célébré.
Oui : Compostelle a été pour l'immense majorité des hommes une hantise, une obsession, tout en restant un impossible rêve.
Jamais rêve ne fut plus ardent, plus universellement partagé. Au point qu'il a pu prendre corps, se matérialiser dans le souvenir de ceux qui ne l'ont point vécu.
Comme la geste de Roland, ce fut une grande idée.
Je ne l'expliquerai pas. Je le constate comme j'ai constaté sans pouvoir l'expliquer la prééminence de Notre-Dame de Lourdes sur Notre-Dame de la Goéyte, faite d'impondérables, comme je constate comment les historiens, dès qu'ils parlent de Saint-Jacques de Compostelle s'enivrent d'hyperbole.
Mais non, Ami lecteur, ne nous étonnons pas : Y -a-t-il une commune mesure entre l'épisode mineur de la mort de Roland et son immense renommée ? Ce n'était pourtant pas l'effet d'une propagande dont le vainqueur était totalement démuni.
Le Séntjacquayre, pour arriver au ciel, foulait de ses pieds nus les chemins de Gascogne, en demandant du pain au laboureur.
D'autres, mille fois plus nombreux, devenaient, sans quitter leur logis, les pèlerins du rêve. Leur chemin de Saint-Jacques, c'était la voie lactée, un chemin de ciel fait de pure lumière, pavé d'étoiles, sablé de nébuleuses.
Si don Quichotte et Sancho Pança restent immortels, infiniment plus vivants et plus vrais que la vraie fille de Cervantès ayant réellement vécu, ne nous étonnons pas de ces sillons profonds que le rêve a tracés quelquefois dans l'Histoire des hommes.

OSMIN RICAU .

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