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A propos de « la Pernette »

Dans le bulletin de l'Association Les Amis du chemin de Saint-Jacques en Quercy-Rouergue-Languedoc, 1999-2000 figurait un « petit poème », dont on ignorait l'auteur.
Voici la réponse de Marie-Virginie Cambriels, publiée dans ce même bulletin, n°7, septembre 2000, p. 22-23 :

 

Ce texte est celui d'une très vieille chanson (la plus ancienne version écrite est datée du XVe siècle), dont on retrouve différentes versions dans toutes les régions de langue romane.
La « Pernette », c'est la « jeune fille ». Pernette n'est pas un prénom, c'est une manière de désigner les demoiselles, d'après le nom de leur coiffe traditionnelle, la « perna ». C'est une jeune fille, c'est toutes les jeunes filles. Comme la « Belle Doette » d'une autre chanson, notre « Pernette » se sied à sa fenêtre, dans certaines variantes, avant de se mettre à son travail. Sa mère est auprès d'elle, dans la chambre des dames, et cette présence à son côté est essentielle pour que l'on retrouve là les protagonistes de la chanson de toile. Son histoire, c'est celle de « Jeannette », à laquelle on enjoint de ne pas tant pleurer. C'est celle de la « fille du roy au pied de la tour », qui ne veut, elle non plus, « ne comte, ne baron, ne seignour », mais bien « son ami Pierre, qui est dedans la tour ». Comme l'ami de la fille du roy, comme celui de la fameuse Jeannette, comme celui de la belle qui s'en allait promener à la claire fontaine, l'ami de Pernette a nom Pierre.

Mais la spécificité de la Pernette, qui la rend si chère à nos cœurs de jacquets, c'est que l'amoureuse y demande d'être enterrée avec celui dont elle est éprise au chemin de Saint-Jacques, qui devient le lieu de l'union des amants dans l'éternité.
Se vous pendolas Pierre / Pendolas nos itot / Au chemin de saint Jacques / Enteras-no tos dos / Los pelerins que passent / En prendront quanque brot / Diront “Dio aye l’âme / Dous povres amoros” ”

Les pèlerins, eux, se font ici les passeurs des âmes défuntes, comme dans la chanson moins raffinée, plus rustique, mais touchante malgré tout, du “ Bouvier ” qui ne précise cependant pas s'il s'agit de pèlerins de Saint-Jacques. Ce sont là des illustrations de croyance qui assimile le pèlerinage compostellan au voyage des âmes dans l'au-delà. Un proverbe portugais n'affirme-t-il pas que celui qui ne va pas à Saint-Jacques de son vivant, s'y rendra après sa mort?

Une dernière remarque, en forme à la fois de suggestion et de question: la belle demande que la tombe de son ami (ou que leurs deux tombes, dans certaines versions) soit couverte de roses, et il y a là une évidence, nous ne reviendrons pas sur le symbolisme de la fleur des fleurs d'amour. Quant à la sienne, elle souhaite tantôt qu'elle soit fleurie de « toutes fleurs », tantôt de « mille fleurs », attestent les variantes. De mille fleurs, ou de mille-fleurs ? Le « mille-fleurs » est l'autre nom de la viorne, selon H. Daveson, la viorne pouvant désigner aussi bien la clématite, que d'autres plantes de la famille des caprifoliacées (famille du chèvrefeuille), plantes à vrilles qui ont besoin d'un support auquel s'accrocher pour se développer. Ces évocations florales, au final de notre chanson, pourraient alors avoir la même signification que l'entrelacement du rameau de noisetier et du brin de chèvrefeuille dans le Lai du Chèvrefeuille de Marie de France :

« Belle amie, ainsi est de nous, ni vous sans moi, ni moi sans vous ».

1 -Introduction à la chanson populaire française, Cahiers du Rhône, éd. La Baconnière, Neuchâtel, 1955, p. 170-175
2 - Je prie tout lecteur érudit en matière botanique de bien vouloir corriger ou préciser les informations que j'ai pu regrouper

 

Un enregistrement : “ Sur les Chemins de Saint-Jacques, une itinérance musicale ”, ensemble Amadis, éd. Jade, 1999.
Une version ancienne : Eluard P., Anthologie du Moyen Age, Paris, Club français du Livre, 1954, p. 250.

Pour en savoir plus :
Doncieux, G. La Pernette, origine, histoire et restitution critique d'une chanson romane, 1891.
Zink, M. Le Moyen Age et ses chansons, ou un Passé en trompe-l'œil, éd. De Fallois, Paris, 1996, p.157.

Marie-Virginie Cambriels,
Compagnie Orion (ensemble musical).

Jean Claude Albertini, "adhérent-fureteur" nous a trouvé la musique sur le site de Thierry Klein où vous trouverez beaucoup d'autres chansons françaises ...
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