Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle

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Notre-Dame de Cléry

Cléry sur le chemin de Compostelle ?

Le 22 mars 1994, la commune de Cléry a adopté la coquille dans ses armes. En 1998 une croix de fer ancienne fut posée sur un socle de pierre neuf, à proximité de l’église. Une coquille fut sculptée sur ce socle par les artisans qui restauraient l’église. Ce symbole de la coquille rattache aujourd’hui Cléry à l’imaginaire compostellan. Cléry-Saint-André est un célèbre lieu de pèlerinage à Notre-Dame depuis une époque que l’on s’accorde à dater du XIIIe siècle. Pèlerinage très fréquenté comme en témoignent la taille de l’église et l’importante capacité d’accueil des pèlerins et des voyageurs. On garde le souvenir de 26 auberges dont L’image de Notre-Dame, L'image de Saint-Jacques, Les trois Mores, Les trois Rois, la Belle Image.

Cléry fut longtemps située sur l’une des grandes routes menant de Paris vers l’Espagne, par Bordeaux ou Toulouse. Le sanctuaire à Notre-Dame en fit une étape majeure sur cette route très passante. Ce sanctuaire fut doté au XVIème siècle d’une chapelle Saint-Jacques, richement décorée. Cette chapelle funéraire témoigne d’une dévotion universelle à saint Jacques accompagnateur des âmes vers l’Au-delà. Elle fut un lieu de rassemblement d’une confrérie Saint-Jacques dans le cadre de la Contre-Réforme quand le pèlerinage de Compostelle prit une ampleur nouvelle. La place de la coquille dans les armes de la ville trouve là une origine historique certaine. Auparavant rien n’indique une fréquentation importante de pèlerins de Compostelle. On n’en trouve que quelques uns dans les archives à des époques relativement tardives :
• Jérôme Münzert en 1494, sur le chemin du retour vers Nuremberg passe Roncevaux, Toulouse, Montauban, Uzerche, Saint-Léonard, Limoges, Poitiers, Châtellerault, Tours, Marmoutiers, Amboise, Chaumont-sur-Loire, Blois, Cléry. Orléans, Etampes, Montlhéry, Paris. Voici ce qu’il dit de cette étape de 60 km :
« … Quittant Blois très tôt le matin, nous arrivâmes après un trajet de 12 lieues à travers un paysage de plaine très agréable au village de Notre-Seigneur de Clerc. On y trouve une très belle église voûtée avec une nef élevée qui fut établie par le roi Louis en l’honneur de la bienheureuse Vierge Marie et dotée de 12 chanoines. Le roi Louis y est enseveli, ainsi que son épouse Charlotte, un de ses fils et le second fils de Charles (VIII), né de la duchesse Anne de Bretagne. Nous quittâmes ce village après le déjeuner et parcourûmes encore 4 lieues avant de parvenir à la glorieuse et noble cité d’Orléans ».
• Bien plus tard, en septembre 1663, le poète La Fontaine en voyage écrit à sa femme :
« De Cléry à Saint-Dié, qui est le gîte ordinaire, il n'y a que 4 lieues, chemin agréable et bordé de haies, ce qui me fit faire une partie de la traite à pied. Il ne m'y arriva aucune aventure digne d'être écrite, sinon que je rencontrai, ce me semble, deux ou trois gueux et quelques pèlerins de Saint-Jacques ».
• Imprimée à Troyes en 1718, la « Chanson du devoir des pèlerins », extraite du livret intitulé Les chansons des pèlerins de S. Jacques conseille cet itinéraire passant par Cléry :
« De Paris au Bourg-la-Reine, une lieue. Longjumeau 3, Monthlery 2, Casté 2, Mortevelle 2, Amerville le gâte 3, Tournai (Toury) 3, Arenzy (Artenay) 2, Languette 4, Sarcotte (Cercottes) 2, Orléans 3, Notre-Dame de Cléry 4, S.Laurent-des-Eaux 6, Blois 8, Clermont (Chaumont) 8, Monthléry (Montlouis-sur-Loire) 5, Tours-aux-châteaux 1…»

La chapelle Saint-Jacques de Notre-Dame de Cléry.

En 1518, Gilles de Pontbriant entreprend la construction ou l’embellissement de plusieurs chapelles dans l’église, dont la chapelle Saint-Jacques.
Qui est-il ?
Il fait partie d’une fratrie noble (François, Pierre et Louis) venue chercher fortune à la cour de Louis XI. Il est prêtre, trésorier de l’abbaye Saint-Martin de Tours et, depuis peu, doyen du chapitre de Cléry. Ses frères occupent des charges importantes :

- François est capitaine de Loches, commandant de la grande prison de France ; Il fut chargé par Louis XII puis François Ier de la direction des travaux des châteaux de Blois et Chambord.
- Pierre est gouverneur du jeune prince d’Angoulême, protégé de Louise de Savoie avec laquelle il complote pour abattre Pierre de Rohan.
- Louis est capitaine du château de Blois.

Pourquoi cette fondation ?
La chapelle Saint-Jacques est une chapelle funéraire. Elle est voulue par Gilles et François, ainsi que le spécifie le testament de Gilles :
« Je veux et élis la sépulture de mon corps être faite en la chapelle que mon frère et moi avons fait faire et édifier en l'église Notre-Dame de Cléry en l'honneur de Monsieur saint Jacques et du Saint-Sépulcre … ».
Elle est construite entre 1515 et 1519. Les murs sont couverts des hermines et cordelières de Bretagne ainsi que de ponts brillants « d’azur à pont d’or », armes parlantes des fondateurs. Comme emblèmes, des bourdons entrecroisés, coquilles et besaces qui, sans doute, rappellent la condition de pèlerin sur la terre et font un lien avec l’Epître de Jacques d’où dérive l’extrême-onction dite aussi, à cette époque, sacrement de Mr. saint Jacques. En effet, saint Jacques est l’accompagnateur des âmes sur les routes du Ciel, le Grand Passeur,. Des coquilles de pierre sont sculptées sur le manteau de la cheminée et sous la chaire. Un vitrail représente saint Jacques au côté de saint André. Un retable contient une grande statue de saint Jacques en bois. L’actuelle porte de la chapelle, sculptée elle aussi de coquilles, date de 1622.
La chapelle est desservie par un vicaire. Elle est dotée d’un reliquaire en forme de croix d’argent contenant du bois de la Vraie Croix et d’un autre contenant :
« de la langue de Mme. Agnès, des cheveux et du manteau de Mr. saint Louis, de la corde, du scapulaire et des cheveux de Mr. saint François, de la croix de Mr. saint André, des os de la Magdeleine, de la pierre du mont du Calvaire, de la robe de N-D ».

Cette chapelle remplaçait sans doute un simple autel Saint-Jacques car, dès 1510, elle était déjà siège d’une confrérie Saint-Jacques, à laquelle Louis de Pontbriant offre le dîner annuel, avec trois autres confrères. Louis fut-il pèlerin de Compostelle ? Rien ne permet de l’affirmer, car beaucoup d’autres confréries ne regroupent pas forcément d’anciens pèlerins, même si elles en comptent quelques uns parmi leurs membres. En 1592, celle de Cléry semble en regrouper certains (on est à l’époque où les pèlerinages à Compostelle se multiplient, en réaction envers le Protestantisme). A cette date, ils sont dix-sept confrères qui n’oublient pas la fonction funéraire de la chapelle car ils y font célébrer des messes pour leurs confrères défunts et fondent une messe basse célébrée chaque dimanche à six heures du matin. Ils s’engagent à fournir le luminaire et à s’occuper des banquets annuels pris la veille et le jour de la fête de saint Jacques le 25 juillet : vin, gâteau, viandes et pain bénit. Un érudit du XIXe siècle, rapporte qu’autrefois, le jour de cette fête, un jeune garçon faisait partie de la procession, revêtu en costume de pèlerin. Ce costume avait été retrouvé dans un grenier de Cléry, orné d’enseignes de pèlerinage. On aimerait en savoir plus sur cette fête…

Cléry, grand sanctuaire de pèlerinage

On peut imaginer que ce sont des pèlerins qui ont porté la renommée de Notre-Dame de Cléry jusqu’à Compostelle où elle très connue. C’est en effet vers la Vierge de Cléry que se tourne en en 1554 « cent vingt pèlerins galiciens. Ils y vinrent en pèlerinage, porteurs d’une châsse de saint Jacques, afin de demander de l’eau pour leur pays désolé par une sécheresse depuis trois ans ». On ignore s’ils furent exaucés.
L’origine du pèlerinage vient, dit-on, de la découverte par des laboureurs d’une statue noire qu’ils ont identifiée comme une effigie de la Vierge et qu’ils ont apportée à l’église. Ce pèlerinage fut bientôt connu au-delà de l’Orléanais, sans doute à cause des faveurs royales dont il bénéficia immédiatement. Le roi saint Louis s’y arrêta, sur l’invitation de son compagnon Simon de Melun, seigneur de la Salle-lez-Cléry, qui avait l’intention d’y fonder une église collégiale desservie par un doyen et quatre chanoines. Le projet fut réalisé par sa veuve car il trouva la mort à la bataille de Courtrai remportée en 1302 par les troupes du roi de France Philippe le Bel. Sans doute reconnaissant des mérites de ce vaillant chevalier, le roi attribua sa victoire à Notre-Dame de Cléry et porta à neuf le nombre de chanoines en même temps qu’il participa à la construction d’une église plus grande. Il fit fondre une cloche réputée pour être une des plus belles de France. Au milieu du XIVe siècle, l’église fut entourée d’une muraille englobant un hôtel-Dieu et de nombreuses auberges. Des foires y furent autorisées par le roi. Charles VII vient y prier plusieurs fois et participa à sa reconstruction après le saccage par les Anglais en 1428.

En juin 1436, Notre-Dame fut invoquée lors d’une tempête par les passagers d’un navire britannique en perdition. C’était l’usage. Comme ils venaient assister, à Tours, au mariage du dauphin Louis (futur Louis XI) avec sa première femme Marguerite d'Ecosse, ils sont venus auparavant remercier la Vierge la plus célèbre de la région, celle de Cléry. Elle était bien connue des mariniers de la Loire, fleuve navigable certes, mais ô combien dangereux et imprévisible. Sa statue, richement parée, trônait sur le jubé de la grande église, à la limite du chœur et de la nef. Elle était entourée d’ex-votos. Devant était attaché un cierge si gros que dix hommes auraient eu de la peine à le mouvoir. On raconte que chaque fois qu’une personne en péril de mort sur mer ou sur terre faisait vœu de pèlerinage et d'offrande à Cléry, ce cierge tournait sur lui-même « comme pour témoigner que la patronne entendait la prière de son serviteur ». Louis XI ne cessa d’embellir cette église dans laquelle il voulut être enterré. La musique y fut en grand honneur car des chantres y étaient invités de tous les pays et c’est à Cléry qu’en 1471 fut récité pour la première fois l’Angélus de midi. Les orgues datent du début du XVIe siècle. Louis XII et François Ier font encore des donations à Notre-Dame de Cléry puis les calvinistes, en 1562 détruisirent la statue de la Vierge et le tombeau de Louis XI. Louis XIII fit reconstruire le tombeau et offrit une nouvelle statue, celle qui est aujourd’hui vénérée par les fidèles.

Si l’on parle beaucoup de miracles, deux seulement sont rapportés au XVIe siècle: en 1514 une petite fille recouvre la parole après dix-huit jours de mutisme et, en 1593, un bébé ressuscite. Un autre miracle eut lieu le lundi de la Pentecôte 1670, dont témoignent plusieurs procès-verbaux déposés chez le notaire de Cléry : pendant la prière du soir, les chanoines virent subitement les visages de la Vierge et de l’Enfant devenir « d’une pâleur d’agonisants, se couvrir de sueur et de larmes ». Les chanoines sonnent les cloches, les habitants accourent et constatent ce Miracle des Larmes versées sur la misère du temps.

Ayez une pensée pour David, pèlerin d’ici, parti pour Compostelle en 1998, à pied.
Il est reparti de cette chapelle Saint-Jacques, le 25 février 2002, âgé de 28 ans.
Saint Jacques l’a conduit pour son dernier grand pèlerinage,
comme il accompagne les âmes confiantes lorsque l’heure est venue.

Denise Péricard-Méa
2002

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