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mise à jour le 20 janvier, 2006 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil

La Salette, Lourdes et Compostelle

La venue de Jean-Paul II à Lourdes appelle l’attention sur les pèlerinages nés en France dans le dernier quart du XIXe siècle. La congrégation des Assomptionnistes a joué un rôle majeur dans la promotion et l’organisation de ces pèlerinages. Nous donnons ci-dessous de larges extraits de chroniques de l’Agence de Presse ZENIT publiées à cette occasion. Ils retracent une page importante de l’histoire religieuse de la France dont les traces sont encore bien vivantes puisque le groupe "Bayard-Presse" est l’héritier direct des initiatives prises à partir de 1873, date de création du Pèlerin.
Les familiers des chemins de Saint-Jacques noteront que le pèlerinage à Compostelle n’entre pas dans les perspectives de l’époque. Ils retiendront aussi la grande différence entre deux formes de pèlerinage : manifestation de masse bien encadrée ou démarche individuelle.
Depuis les dernières années du XXe siècle Compostelle répond, avec un succès croissant, aux besoins d’individus plus épris d’épanouissement personnel et de liberté, le plus souvent sans référence religieuse explicite, que de grandes manifestations ecclésiales. Ce succès sera-t-il durable ? Les chemins de Saint-Jacques resteront-ils un espace de liberté et de recherche ? Ne seront-ils pas de plus en plus pris en mains par des organismes qui sous couvert d’aide au pèlerin recherchent de nouvelles formes d’intégration dans l'Eglise ?

Une réponse au désarroi des catholiques français.

La Congrégation des Augustins de l’Assomption, fondée à Nîmes par le P. d’Alzon en 1845, alors vicaire général du diocèse (Gard), n’est pas née avec pour objectif direct ou premier l’animation de pèlerinages. Elle est d’abord engagée dans le champ de l’éducation par des collèges et des publications.
La fin de la guerre de 1870, ressentie comme une humiliation nationale après le traité de Francfort en 1871, lequel ampute le territoire des provinces de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine, provoque un sursaut patriotique et religieux, marqué par le vœu formulé par le Parlement de la IIIe République d’ériger à Montmartre une basilique vouée au Sacré-Cœur, basilique dite du Voeu national, loi du 22 juillet 1873.
Dans l’atmosphère pénitente et réparatrice suivant le triple choc pour les Catholiques Français de la défaite de Sedan (chute de l’Empire, siège de Paris durant l’hiver 1870-1871), de la guerre civile de la Commune en 1871 et de la prise de Rome par l’armée piémontaise en septembre 1870, la congrégation ressent la nécessité d’une régénération ou d’une restauration de l’esprit chrétien dans toutes les institutions publiques, sociales et civiles du pays.
C’est l’époque où surgissent dans la France catholique nombre de cercles, de comités ou d’unions d’œuvres ouvrières en réponses au désarroi moral du pays, travaillé par les transformations des structures économiques et sociales.

Notre-Dame de Salut, le lancement des pèlerinages à La Salette (1872)

L’idée de créer une association régénératrice pour la famille et pour la société, au confluent des œuvres ouvrières, voit le jour le 24 janvier 1872, au couvent de Religieuses de l’Assomption à Auteuil. Le nom retenu est « Association Notre-Dame de Salut ». Elle lance des mouvements de prières publiques pour la délivrance du pays, des pétitions dans l’opinion publique pour le repos du dimanche, mélange d’exercices spirituels et d’actions sociales pour la ' moralisation de l’ouvrier '.

un ouv rage pour comprendre La Salette

Un prêtre de la paroisse Saint Gervais, l’abbé Thédenat, a l’idée d’organiser un pèlerinage de repentance, national ou inter-diocésain, à la Vierge en larmes de la montagne de La Salette, dont les apparitions remontent à 1846. Le 21 août 1872, 375 prêtres encadrent près de deux mille pèlerins, s’engageant autour de Mgr Paulinier, l’évêque de Grenoble, à propager le mouvement des pèlerinages dans tous les diocèses de France. Sur la colline, est fondé le Conseil général des pèlerinages avec pour organe et lien un petit bulletin, Le Pèlerin, qui voit le jour en juillet 1873. Prier pour la délivrance du pape et le salut de la France, union des deux causes catholiques du temps, au chant d’un cantique vite répandu : « Pitié, mon Dieu, c’est pour notre patrie », tel est, au départ, le programme et la visée de cette forme de prière publique, aux accents très nationaux et doloristes.
En octobre 1872, Lourdes accueille et regroupe des groupes de pèlerins venus de toutes les régions, portant bien haut leur bannière, d’où le surnom donné de « pèlerinage de bannières ». En novembre 1872, l’amiral Gicquel des Touches lance l’idée d’un mois de pèlerinages dans tous les sanctuaires de France, du 22 juillet au 22 août 1873 qui culminera à Lourdes avec un pèlerinage vraiment national. L’idée de faire reprendre aux foules le chemin de Rome dès l’année 1873 est bien présente, mais elle est repoussée en dernier ressort par le pape Pie IX qui, depuis septembre 1870, se considère comme prisonnier au Vatican et craint des formes de représailles hostiles de la part du gouvernement et d’une fraction de la population anticléricale.

Lourdes, premier pèlerinage national, 1873

La première apparition de la Vierge à Bernadette remonte au 11 février 1858. La commission d’enquête, nommée par l’évêque de Tarbes, Mgr Laurence, conclut en janvier 1862 à l’authenticité des faits. Depuis 1858, en dépit de la fermeture de la grotte de Lourdes par les autorités municipales et préfectorales, le mouvement de prière et de conversion, popularisé et rendu public par des guérisons éclatantes, n’a jamais cessé. Le premier pèlerinage officiel remonte au 4 avril 1864, à l’occasion de la bénédiction et de l’inauguration solennelle de la statue de Notre-Dame de Lourdes à la grotte des apparitions, cette première procession donne le branle à toute une série de pèlerinages paroissiaux. La crypte, commencée en 1863, est consacrée le 21 mai 1866, la ville de Lourdes est reliée par le train à Bayonne depuis 1867 et à Toulouse l’année suivante. Les Assomptionnistes parisiens prennent la direction et l’encadrement du premier pèlerinage national de 1873.
La ville de Lourdes va connaître un développement immobilier sans précédent : hôtels, pensions, hôpitaux, magasins, gares ferroviaire et routière… Sa notoriété touristique nouvelle, en prise directe avec le mouvement des pèlerinages diocésains, nationaux et internationaux, tranche avec le passé d’une petite cité pyrénéenne médiévale assoupie. Au mouvement des pèlerinages est immédiatement liée la question des guérisons qui passionnent l’opinion publique autour de la création du bureau médical, des pratiques et mentalités des pèlerinages, autant de phénomènes d’une sociologie de religion populaire auxquels sont mêlées les controverses idéologiques de deux camps irréductibles, le peuple des croyants et une intelligentsia d’esprit rationaliste.

Lourdes et l’Assomption

Le pèlerinage national, fixé autour de la date symbolique du 15 août, a joué un rôle moteur et démultiplicateur. Précédé par le premier mouvement des pèlerinages paroissiaux, surtout pyrénéens, et diocésains, le pèlerinage national, création de l’Assomption, a bénéficié de deux atouts majeurs pour son développement : organisé de Paris avec l’aide d’une Association qui établit partout des antennes régionales, grâce au concours bénévole de centaines de zélatrices et de prêtres séculiers très actifs, utilisant adroitement l’infrastructure ferroviaire qui relie progressivement les contrées les plus éloignées au bourg central, il s’est superposé très vite aux premiers dont l’aire géographie est nettement plus délimitée.
Au fil des années, l’organisation du pèlerinage national à Lourdes prend le caractère d’une activité publique spécifiquement assomptionniste qui va grandement jouer pour la notabilité de cette Congrégation.
Un deuxième facteur, spécifiquement assomptionniste, peut permettre de comprendre l’essor de Lourdes dans le catholicisme français dans le dernier quart du XIXe siècle. Grâce aux publications de la Bonne Presse, Le Pèlerin, transformé en un véritable magazine illustré depuis 1877 par le P. Vincent de Paul Bailly, lequel annonce le programme, publie la chronique du pèlerinage, mais aussi des récits vivants de pèlerins, tient en haleine son public croissant, avide de merveilleux, de controverses et de guérisons miraculeuses. Le Pèlerin n’est d’ailleurs que le premier maillon d’information d’une longue chaîne de publications qui progressivement voient le jour à Paris au sein d’une véritable centrale de presse catholique, dite la Bonne Presse. L’Association Notre-Dame du Salut inscrit dans son programme des pèlerinages locaux, chers à une clientèle régionale. L’Assomption a joué à partir de Lourdes une de ses cartes maîtresses en matière de stratégie et de synergie congrégationnelles. Ses activités jusque-là étaient plus juxtaposées que véritablement unifiées, un peu confinées, à l’étroit dans l’air restreint de l’éducation ou de l’enseignement. Lourdes comme l’apostolat de presse, vitrines de sa cohésion apostolique, est bien à l’image de son esprit de famille, ultramontain et démonstratif qui recherche toujours l’aval de Rome et l’oreille du pape, de sa piété, eucharistique et mariale, expression vivante d’une religion ou le magistère ecclésiastique règne sans partage, de son souci d’emprise ou d’incarnation dans une réalité sociale large.
Par Lourdes comme par la presse, cet esprit se diffuse sur la voie publique, déborde les frontières des diocèses ou l’autorité épiscopale, souvent sourcilleuse, peut contenir, voire étrangler, le dynamisme d’un Institut apostolique. En ce sens, la promotion au premier plan de la figure du P. Picard qui prend le pas à Lourdes sur celle du fondateur, le P. d’Alzon, est symptomatique de leur positionnement relatif dans l’orbite ecclésiastique. Tandis que le second, le P. d’Alzon, encore vicaire général à Nîmes, recommande à son disciple parisien, le P. Picard, des attitudes plus déférentes à l’égard de l’autorité épiscopale qui s’offusque des initiatives de ce dernier leur paraissant empiéter sur leur domaine, le second s’affranchit plus volontiers d’une tutelle ecclésiastique qui ne peut excéder les limites de son territoire.
En février 1958, année centenaire des apparitions, le cardinal Roncalli, ancien nonce à Paris, patriarche de Venise avant d’être élu pape sous le nom de Jean XXIII, inaugure la basilique souterraine Pie X. Jean Paul II est le premier pape de l’histoire en exercice à se faire pèlerin de Lourdes les 14 et 15 août 1983. (Il s'était fait pèlerin de Compostelle en 1982).

De Lourdes, à Rome et Jérusalem

Lourdes est un véritable banc d’envoi pour l’Assomption qui, dès les années 1880, ouvre aux catholiques français, un horizon, confiné en 1870 aux malheurs de la patrie vers les grands centres historiques du christianisme, Rome et Jérusalem. Depuis sa jeunesse, le P. d’Alzon s’est habitué à regarder vers Rome, centre universel de l’Église catholique. Le contexte politique, après 1870, n’est guère favorable à de grandes manifestations publiques de pèlerinages, mais Rome reste bien pour le P. d’Alzon et ses fils l’horizon aimé des catholiques ultramontains. Rome concentre le regard des catholiques sur la couleur blanche ou se confondent symboliquement en images superposées la soutane du pape, l’hostie du sacrifice eucharistique et le voile de la Vierge. La tradition des pèlerinages français à Rome va reprendre, après la parenthèse des années 1870, pour fortifier l’amour filial des fidèles envers l’auguste 'prisonnier' du Vatican, assurer le Saint-Père des sentiments de communion de la 'fille aînée de l’Église' qui a traversé, elle aussi, l’épreuve de la défaite et de la désunion civile, et qui se retrouve, sous la République triomphante, en situation d’étrangère sur son propre sol.
Le même esprit de 'reconquête' chrétienne et de 'témérité apostolique' anime le lancement de pèlerinages de pénitence à Jérusalem. Dès 1882, le P. Picard et le P. Bailly improvisent un premier pèlerinage jusqu’aux côtes de la Galilée et de la Judée. Le pèlerinage, conduit dans l’inconfort et un esprit pionnier d’aventure, prend des allures d’épopée pour des 'croisés' en quête d’une véritable patrie que l’Occident, en processus de sécularisation, leur refuse. Ils se présentent comme une croisade pacifique pour conquérir Jérusalem le chapelet à la main, face à l’invasion des lieux saints par les schismatiques grecs et russes. Archéologie, religion et politique se conjuguent sur cette terre, alors ottomane, où percent les rivalités confessionnelles et nationales de toute l’Europe.
La République française, volontiers anticléricale dans sa politique intérieure, ne craint pas de prêter main-forte aux religieux nationaux et à faire reconnaître les droits historiques de la puissance catholique protectrice des Latins. L’Assomption obtient ainsi droit de cité. Dès 1884, les pèlerins sont sollicités pour participer aux frais de construction d’une hôtellerie française à Jérusalem, en face de la Porte Neuve. Le couvent peut-être ouvert en 1887, premier bâtiment de Jérusalem à posséder l’électricité. Les lieux sont baptisés Notre-Dame de France. En 1890, un traité reconnaît la propriété de la maison au P. Vincent de Paul Bailly, transférée en 1907 à la Congrégation. L’essor des pèlerinages de pénitence à Jérusalem se poursuit jusqu’en 1914, encouragé par les gouvernements français, recevant une impulsion vigoureuse à la suite du succès en 1893 à Jérusalem du VIIIème Congrès eucharistique international.

Lourdes 2004

Lourdes en 2004 répond à l’appel du pape Jean Paul II. A Lourdes, à Rome, à Jérusalem, les pèlerinages sont un moyen toujours adéquat pour répondre à la devise assomptionniste : 'Que ton Règne vienne'.
Les conditions de transport et de logement ont changé, les thèmes d’accompagnement et de réflexion n’ont plus le même accent, mais la dynamique profonde d’un pèlerinage reste identique, ses composantes essentielles invariables :
- démarche de conversion personnelle et collective,
- manifestation de foi et de charité,
- moment fort d’évangélisation,
- lieu d’ouverture à un moment plus fraternel et plus international,
- célébration festive de la foi,
- attention à tous les blessés de la vie et particulièrement aux malades.

 

 d'après agence ZENIT ZENIT
voir le site de la Congrégation de l'Assomption   Assomptionnistes

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