Ofelia Rey Castelao, professeur d’Histoire
Moderne, recueille dans un volume ce qu’elle qualifie de mythes
sur l’origine de Compostelle. Selon l’auteure « Des
intérêts idéologiques, politiques et religieux ont
contribué à nourrir la légende ». Le livre,
destiné à un public non spécialisé, est basé
sur les nombreuses investigations réalisées par Ofelia Rey
Castelao depuis 1978 . La mise en question de l’authenticité des restes de l’Apôtre,
vénérés dans la cathédrale de Compostelle,
remonte aux temps de leur découverte. Ofelia Rey Castelao, professeur
d’Histoire Moderne à l’Université de Compostelle,
revisite dans « Los mitos del Apóstol Santiago »
la bibliographie critique sur l’authenticité des reliques
et sur ce qu’elle considère comme le labyrinthe mythique
créé autour de l’apôtre saint Jacques. Le livre, publié par Nigratrea et le Consorcio de Santiago, propose
au lecteur moyen une nouvelle vision sur la thématique jacquaire,
étudiant chaque mythe d’un point de vue historique. A l’incertitude sur l’authenticité des reliques s’ajoute
le doute sur les pèlerinages de masse au Moyen Age. Selon Ofelia
Rey les documents historiques parlent de « beaucoup » ou «
d’un nombre élevé » de pèlerins sans
jamais donner de références numériques. Selon l’essai, le Camino de Santiago est « une construction
historique qui profite du réseau des routes romaines et médiévales
transformées en voie de pèlerinage fixé pour la postérité
» quand il s’agissait en réalité « d’une
voie de communication et de transit commercial ». Sont également mis en question dans le livre les origines du patronat
de l’Apôtre et du Voto à Santiago, nés
de la falsification d’un privilège royal selon Ofelia Rey,
qui avait déjà traité ce sujet dans sa thèse
de doctorat. Selon l’auteure son essai explique, dans une perspective
historique, un phénomène sur lequel existe une bibliographie
abondante mais en général mal documentée. « Les nombreux livres publiés par des journalistes, des
politiciens et des religieux sans aucune méthodologie historique
ont contribué à nourrir le mythe » explique Ofelia
Rey qui fait des recherches sur cette matière depuis presque trente
ans. Elle assure que son livre, une commande de la maison d’édition,
a pour but de « synthétiser des idées critiques »,
ligne à laquelle ont aussi contribué la française
Péricard-Méa et Francisco Márquez Villanueva. Dans « Los mitos del Apóstol Santiago », elle
explore l’histoire critique de la tradition jacquaire qui est presque
aussi ancienne que le mythe lui même. - Avec votre livre renaît la vieille polémique de l’authenticité
des reliques de saint Jacques.
La bibliographie critique existait déjà au Moyen Age. Au
XVI siècle elle est renforcée avec le Concile de Trente
où tout ce qui se réfère à saint Jacques est
considéré comme une tradition pieuse. Cela démontre
que la papauté a toujours gardé une prudente distance avec
le phénomène.
- Pourrait-on aujourd’hui authentifier les restes de l’Apôtre
?
Ce n’est pas possible puisqu’une bulle papale interdit d’ouvrir
l’urne où ils sont déposés mais cela n’a
non plus aucun sens puisque l’authentification n’intéresse
personne. Il y aurait très peu d’importance à démontrer
que les reliques sont fausses, ce qui est important est tout ce qui les
entoure. Les gens continueraient à venir à Compostelle puisque
la grande majorité ne vient pas pour le fait religieux particulier
mais plutôt dans une démarche spirituelle différente.
- Dans votre essai vous citez d’autres lieux où l’on
vénère également les restes de saint Jacques.
Oui, à Toulouse par exemple. Au Moyen Age les pèlerins visitaient
d’abord Toulouse avant de se diriger vers Compostelle.
- Comment sont nés les mythes autour de saint Jacques ?
Tous les mythes ont une cause et normalement ils remplissent un vide.
Les intérêts peuvent être sociaux, économiques
ou religieux mais une fois qu’ils comblent ce vide ils se développent.
Grâce à la réitération des Années Saintes,
le mythe se renouvelle en permanence.
- Vous expliquez que le mythe fut utilisé par Franco.
Le Santiago Matamoros était très utile au début du
franquisme pour renforcer l’image de la Croisade et de la victoire
sur les infidèles. Actuellement un chercheur prépare une
thèse sur la question qui sans doute fera beaucoup de vagues.
- Quelle a été la réaction de l’Eglise sur
votre livre ?
Je ne m’attaque pas aux croyances, je fais uniquement la différence
entre mythe et histoire et je ne souhaite polémiquer avec personne.
L’Eglise devrait plutôt se préoccuper de la continuité
et de la rénovation du clergé dans la ville.
traduction de Carlos Montenegro
Voir une traduction
du premier chapitre de cet ouvrage :
COMPOSTELLE : LE MYTHE
BIBLIOGRAPHIQUE |