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Contribuer à une meilleure interprétation
du patrimoine est un des objectifs de la Fondation. La coquille est
le symbole pèlerin le plus connu. Il fait
donc partie de ceux qui peuvent le plus facilement conduire à des généralisations
hâtives ou à des erreurs commises non seulement par "Monsieur
Tout-le-Monde" mais également par des personnes ayant une certaine
autorité. En voici un exemple. Les questions ont été posées
par un guide-conférencier bénévole d'un Office de
Tourisme et elles ont donné lieu à un échange qui
nous paraît
instructif. Ces questions étaient présentées ainsi : avec
mes collègues, nous avons à répondre à des visiteurs
de plus en plus " lettrés ". Ce qui nous oblige à être
nous-mêmes de mieux en mieux informés pour affiner nos explications.
Voici cet échange de questions-réponses :
Question 1 - La grande
porte de notre église est cloutée de grosses pointes à
tête de coquille Saint-Jacques. Sans beaucoup de conviction nous
indiquons que c'est un signe que cette église est sur une des nombreuses
routes qui mènent les pèlerins vers Saint-Jacques-de-Compostelle,
comme me l'a précisé l'architecte des Bâtiments de
France. Réponse 1 - Votre “manque de conviction” vous honore, et l'architecte des Bâtiments de France ne fait que répéter l’une des erreurs les plus graves de plus en plus souvent commises : faire de chaque coquille une balise sur le chemin de Compostelle donc voir des pèlerins partout. Cela a conduit à croire dur comme fer qu’il en passait des foules et des foules (d’où les millions de pèlerins dont on nous rebat les oreilles).
Question 2 - Dans votre brochure
sur saint Jacques de La Chapelle-d'Angillon vous écrivez : Réponse 2 - Dans
mon opuscule sur la Chapelle d’Angillon, publié en 1999,
j’ai voulu être prudente en disant que “peut-être
des pèlerins de Compostelle passaient par là”. Je
le serais encore plus aujourd’hui. En revanche, dans ma conclusion
je rappelle qu’au XVIIIe siècle des processions venaient
d’Aubigny à la Chapelle, processions où l’on
sait que certains étaient costumés en pèlerins…
Et là, vos coquilles sur la porte sont peut-être, peut-être,
peut-être un indice ! Ne serait-il pas plus enrichissant, et plus authentique, de consacrer des jours à marcher dans sa propre région ? Loin de concurrencer le sanctuaire galicien, les sanctuaires locaux sont propres à susciter davantage de grands départs et à constituer des étapes enfin chargées d’un profond et véritable sens historique auquel vient se greffer un imaginaire aussi somptueux que divers.
Question 3 - Un autre indice est une verrière au chevet de l'église, datée de 1600, dédiée à la vie de saint Martin, offert (attesté par leurs armoiries en bas) par Esmé II Stuart et sa mère Catherine Balzac d'Antraigues. En haut trois femaillés d'or sur gueule : les armes d'Aubigny, dessous des coquilles Saint-Jacques. Nous avons coutume de dire que c'est en mémoire du pèlerinage à Jérusalem que fit, vers 1425, entre deux combats contre l'Anglais, John Stuart de Darnley, premier seigneur d'Aubigny et Connétable de l'armée écossaise venue soutenir le Dauphin Charles. Sur votre site cette version n'est pas contredite, par Gérard Heurtier, dans " Coquille et Compostelle, et coquille et Héraldique " où l'on indique que " une croisade à Jérusalem peut être à l'origine des coquilles ". Ce pèlerinage à Jérusalem effectué par John Stuart de Darnley est mentionné par les sources suivantes : - Alfred GANDILHON,
Aubigny-sur-Nère, aperçu historique,1931 (Directeur
des Archives Départementales du Cher) : Réponse 3 -C'est possible en effet. Mais toute une bibliographie montre que les Stuart avaient une dévotion pour saint Jacques, qui est leur saint patron dans la dynastie des rois d’Ecosse qui portent ce nom (de Jacques Ier, né en 1394 jusqu’à Jacques VII devenu roi d’Angleterre en 1685 sous le nom de Jacques II). Jacques IV figure habillé en pèlerin dans un livre d’Heures, le sceptre de son fils Jacques V porte un saint Jacques pèlerin en même temps que saint André (patron de l’Ecosse) et la Vierge. etc, etc. D'autre part, les Ecossais ont pu avoir des relations politiques avec Compostelle,pendant les guerres de succession de Castille et la guerre des Deux-Roses. Et vous savez mieux que moi que les Ecossais se sont alliés au roi de France pendant la guerre de Cent Ans et que les Espagnols n’étaient pas favorables aux Anglais, donc en bons termes avec les Ecossais. En bref, il y a tout un discours à construire qui soit propre à Aubigny, un discours qui intéressera vos pèlerins de passage : rappelez-vous que, depuis leur départ, ils sont sans doute déjà las d’avoir entendu répéter qu’ils sont sur une route de Compostelle. Ils doivent bien s’en douter, puisqu’ils y vont … mais ne leur dites surtout pas qu'ils sont sur une route historique, même s'il y a des coquilles ou un vitrail de saint Jacques, car de route “historique” il n’y a pas.
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