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l'hospitalité : le débat
Le compte-rendu de la rencontre de Conques et la leçon tirée par Louis Mollaret
ont déclenché un débat et des échanges d'idées et d'expériences.
Nous publions ci-dessous les réactions reçues. Merci des vôtres et de vos commentaires.

Leçon retenue de la pratique de l'hospitalité proposée par don Jose-Ignacio Diaz, responsable de la gestion d'environ 400 hospitaliers dans une vingtaine de gîtes en Espagne. Contrairement à ce qui est dit dans nos associations, la philosophie de l'hospitalité bénévole qui a été proposée au cours de la formation à Conques, est d'être offerte à tous ceux qui se présentent dans les gîtes quels qu'ils soient et quel que soit leur mode de transport. Le piéton pèlerin arrivant en fin d'après-midi ne devra donc pas s'offusquer de voir accueillis avant lui des automobilistes ou des cyclistes. Et comme dit don Jose-Ignacio, " s'il fait le pèlerinage pour être sûr de trouver un lit, mieux vaut qu'il reste chez lui ".
de J-C A.
Il existe plusieurs types d'accueil : privés , mercantiles , religieux et, en Espagne, ceux qui sont subventionnés par les régions, c'est-à-dire des accueils " fonctionnaires ". Les accueils religieux sont encore - (quoique çà bouge un peu en France en ce moment) - très minoritaires et la non discrimination chez eux ne serait, somme toute, pas très préjudiciable aux budgets modestes sur l'ensemble du parcours. Plus dangereux pour les bourses légères est le " je m'en foutisme " des hospitaleros fonctionnaires et salariés, qui officient dans les très nombreuses structures d'accueil financées par les régions. Alors le problème de Don Ignacio, considéré sur le plan concret des seuls accueils religieux, n'en est pas vraiment un. Par contre sur le plan des principes c'est très destructif. Un accueil chrétien accueille tous ceux qui se présentent, y compris les pèlerins. Un gîte pour les pèlerins doit rester en mesure d'héberger les pèlerins avant les autres. C'est pour çà qu'on a réinventé la "credencial". Et sans se transformer en gestapistes les hospitaleros sont parfaitement en mesure de renifler les tricheurs .
D'une hospitalière ayant participé à la formation à Conques :
Les réactions au compte-rendu du stage sur l'hospitalité à Conques me navrent. Les participants au séminaire ne reconnaissent pas ce qu'ils ont entendu, quant aux autres, beaucoup se sentent agressés en tant que pèlerins. Puisqu'un "débat est ouvert sur l'hospitalité", je réagis tout de suite aux passages du compte rendu du séminaire de Conques publiés dans la lettre de mars 2001.
Personnellement je ne reconnais pas du tout la philosophie de l'hospitalité dans les sélections qui ont été faites :  "une leçon à retenir" présente l'accueil des automobilistes notamment et "de tous ceux qui se présentent dans les gîtes" comme un devoir et une généralité. C'est choquant. Et c'est une contre vérité. En tant qu'hospitalière je refuse que les accidents qui peuvent arriver : l'hospitalier est "bluffé" par des gens qui ont fait l'étape en bus, l'hospitalier ne peut vérifier que l'arrivant est un "véritable pèlerin" ; donc l'accueille dans le doute, soient présentés au lecteur, adhérent de l'Union comme étant la règle. Pas un hospitalier d'ailleurs n'applique cela au quotidien et les dépliants disponibles dans les auberges rappellent les conditions d'accueil et les priorités (piétons accueillis avant les cyclistes). Cela dit, l'hospitalier reste juge et libre d'accueillir celui qu'il croit devoir être accueilli. Avoir sélectionné cette idée pour résumer la philosophie des hospitaliers volontaires relève d'une sorte de provocation - Jose Ignacio pouvait se le permettre parce que le contexte permettait de le comprendre, de l'expliquer, d'en débattre -  dans la"Lettre de l'Union", cela ne peut que jeter le trouble dans les esprits et faire naître des polémiques ...
D'un président d'une association :
C'est avec une grande surprise que j'ai pris connaissance du chapitre intitulé "Une leçon à retenir," paru dans la Lettre de l'Union datée du mois de mars 2001. Je ne peux admettre que dans les auberges, priorité soit donnée aux premiers arrivés sans tenir compte du mode de déplacement. Savoir que les cyclistes et même les automobilistes doivent être logés au fur et à mesure de leur arrivée et donc forcément avant et de ce fait au détriment des marcheurs, est le meilleur moyen de dénaturer l'esprit du chemin, de lui faire perdre tout son sens originel, de décourager ceux qui souhaitent le faire dans la tradition et enfin de conduire, à plus ou moins long terme, à la création d'un produit purement touristique dont la préoccupation première sera l'intendance.Si cette position était officialisée, outre les tensions qu'elle provoquerait, elle obligerait les marcheurs à se rabattre vers des modes d'hébergements, onéreux, dangereux et à coup sûr aléatoires. Quelle que soit la solution retenue elle serait vécue comme une grande injustice. Quant à la réflexion attribuée à don José-Ignacio Diaz, " s'il fait le pèlerinage pour être sûr de trouver un lit, mieux vaut qu'il reste chez lui " cette affirmation est ridicule, et indigne d'une personne en charge d'une quelconque responsabilité jacquaire. Ces propos ayant été tenus, il était normal que l'information nous soit donnée. Je regrette cependant que le bureau de l'Union n'ait pas immédiatement réagi dans le sens qui est le nôtre, sauf si cette instance partage la position que nous condamnons, ce que je ne veux pas croire. Au nom du conseil d'administration de notre association je vous remercie de me faire part de la position officielle de l 'Union.

La pratique de l'hospitalité pose des problèmes réels si l'on attend de l'hospitalier qu'il fasse respecter certaines règles, la plus chère aux pèlerins étant celle de la priorité aux piétons.
Ces problèmes sont bien décrits dans l'éditorial du bulletin d'information Hospitaleros Voluntarios
n° 12, février 2001,
intitulé " l'hospitalier justicier " dont voici une traduction :

L'hospitalier justicier

Assez souvent on rencontre sur le Chemin des hospitaliers qui ont à coeur de faire les choses correctement, d'appliquer la justice et, une fois pour toutes, de mettre de l'ordre parmi les pèlerins. Ce sont des gens qui, avec la meilleure volonté du monde et ceci ne peut être mis en doute, ont toujours en mémoire leur expérience du Chemin et les problèmes qu'ils ont rencontrés pendant leur pèlerinage et leur objectif est de résoudre ces problèmes.
Sur le Chemin ils sont vu que beaucoup de pèlerins abusaient de l'hospitalité et, se déplaçant en autobus ou en voiture pour se dépanner, arrivaient les premiers dans les auberges, s'adjugeaient tous les lits et laissaient à la rue ou par terre les véritables pèlerins. Et quand ils deviennent hospitaliers il est clair pour eux que cela ne peut arriver et ils décident de contrôler chaque arrivant et de vérifier la véracité des renseignements portés sur son carnet de route, de surveiller la boue sur ses bottes, le visage fatigué, la sueur sur son dos, " chaque pèlerin qui arrive est un filou en puissance qu'il faut démasquer, qu'il faut interroger, qu'il faut surveiller afin que personne ne devienne sa victime.
De leur chemin ils se souviennent aussi que les pèlerins de tel pays, quel qu'il soit, étaient les plus radins au moment de laisser une offrande aux auberges et devenaient les maîtres de la cuisine, de sorte que
lorsqu'un pèlerin de ce pays arrive, ils sont sur leurs gardes et le regardent avec une animosité particulière. Peut-être ont-ils en mémoire la gêne que les pèlerins qui se levaient très tôt occasionnaient à ceux qui voulaient continuer à dormir, de sorte qu'i1s ferment l'auberge avec fermeté jusqu'à l'heure qu'i1s jugent opportune. Ou, au contraire, il est évident pour eux que le véritable pèlerin doit partir tôt et sortir à la fraîche, de sorte que bien avant que les coqs ne remuent une paupière, ils déversent sur les pèlerins une bonne ration de musique de marches militaires prussiennes pour réveiller tout le monde et ils donnent un petit coup de balai dans les dortoirs pour « encourager » les retardataires à s'en aller.
Animés par ce désir « d'appliquer la justice », ces hospitaliers finissent par devenir gênants pour les pèlerins et loin de tout idéal d'hospitalité. C'est qu'on ne peut appliquer la justice à l'hospitalité, on ne peut « redresser tous les torts » qu'on a rencontrés sur son chemin, A l'hospitalité on va, surtout, offrir la miséricorde, le service. Si au passage, tu réussis à résoudre quelques problèmes, c'est magnifique, Mais tu ne peux imaginer que tu vas dans une auberge pour montrer à tout le monde comment bien faire les choses et pour te transformer en une espèce de détective qui voit tous les autres comme susceptibles d'être « de petits malins » qui essaient de profiter de l'hospitalier; de cette manière tu rendras ta vie, et celle des autres, désagréable. Et de toute façon, on profitera de toi .

Ayant rédigé le compte-rendu incriminé, j'ai adressé au président la réponse ci-contre.


Merci de vos avis et témoignages sur cette question,
de préférence par courriel :

mailto:union@saint-jacques-france.org

La position que j'ai rapportée n'était pas une boutade de don José-Ignacio. Elle a été mal ressentie par beaucoup de participants à cette formation et bien des hospitaliers ne l'appliquent pas à la lettre.
Il m'a paru néanmoins nécessaire de la faire connaître dans sa brutalité car nos associations informent généralement les pèlerins en leur disant qu'une des raisons d'être du carnet de pèlerin est de leur permettre l'accès aux gîtes en Espagne. Certains peuvent ensuite être déçus et récriminer s'ils constatent que le carnet ne leur donne pas en pratique la priorité qu'ils attendent en arrivant fatigués à un gîte où ils trouvent des " pèlerins " tout frais qui les ont croisés en voiture. L'an dernier une adhérente de notre association de Provence est rentrée en me disant " qu'il n'y avait plus qu'à confier la gérance des gîtes à Trigano, que ce serait plus clair et mieux organisé ! ".
J'ai été personnellement surpris de cette affirmation qui donne priorité à l'accueil de celui qui se présente quel qu'il soit, évitant que l'hospitalier ne se transforme en justicier (titre de l'éditorial du dernier bulletin des hospitaliers espagnols). Le bureau de l'Union ne s'est pas réuni depuis la rencontre de Conques et n'a pas pris de position officielle. Il est conscient de cette différence dans la conception de l'hospitalité entre ce qu'ont dit nos amis espagnols à Conques et ce que nous en disons habituellement . La rencontre qui était prévue le 11 mai et que nous avons dû reporter devait permettre d'en débattre. En fait il s'agit d'une position d'un représentant de la fédération espagnole sur laquelle nous n'avons pas de prise, elle gère comme elle l'entend les auberges qui lui sont confiées. Nous pourrons en parler le 12 à l'occasion de l'AG.
Louis Mollaret.