Attention à ne pas confondre duché et comté de
Bourgogne ! Le duché est à l’Ouest de la Saône,
connu par sa dynastie des Grands Ducs Valois dont la capitale est Dijon,
le comté est à l’Est de la Saône, réunissant
des territoires sous le contrôle d’une puissante famille.
Les tribulations de l’histoire et les politiques matrimoniales vaudront
à ces derniers de passer alternativement sous influence du royaume
de France ou de l’empire germanique, jusqu’à l’annexion
à la France, tout en essayant de garder leur identité propre.
Ils forment aujourd’hui la majeure partie de Région de Franche-Comté.
Pourquoi Calixte, prince bourguignon, s’intéresse-t-il à
Compostelle ? Pourquoi cette confusion entre Bourgogne ducale et comtale
? Un retour sur l’histoire de ces pays nous permettra de découvrir
la famille de ses comtes et contribuera à identifier les deux Bourgogne.
Le royaume de Bourgogne
Les pays situés rive Est de la Saône et de part et d’autre
de la chaîne du Jura, par leur géographie voie de passage,
ont été successivement les marches des domaines burgondes,
francs, et carolingiens. Provencia Maxima Sequanorum gallo-romaine,
ils ont évolué depuis l’arrivée des premiers
germains (les Alamans en 450) jusqu’à la formation du Comté
de Bourgogne au début du XIe siècle. Celui-ci commence à
construire son identité au crépuscule de l’Empire
Carolingien, à la succession de Lothaire II, le 8 août 870.
Terre d’entre-deux, elle sera tiraillée pendant des siècles
entre ses voisins : l’Empire germanique à l’Est et
la France à l’Ouest. Sur les décombres de l’empire
carolingien, après la mort de Charles le Chauve en 888, les dignitaires
de ces pays (d’origine helvétique et germanique) situés
des deux côtés du Jura (donc à l’Est de la Saône,
alors que le duché est rive Ouest ) se sont donné un roi,
qu’ils ont appelé « de Bourgogne », Rodolphe,
duc de Transjurane. Rodolphe II (912-937), Conrad (937-993), puis Rodolphe
III lui succèdent. `
La naissance du comté de Bourgogne indépendant,
au sein du royaume de Bourgogne
Mais dès la première moitié du Xe siècle un
lignage issu des pays de la Saône mâconnaise, donc rive Ouest
au sud, s’établit rive Est, et sa puissance menace le pouvoir
du roi de Bourgogne. Ce sont les ancêtres du pape Calixte II, qui
démembrent le royaume en s’y taillant un « comté
» indépendant qu’ils appellent « de Bourgogne
», ce qui ne simplifie pas la compréhension. Le première
comte connu est Aubry, fils d’un vicomte de Narbonne devenu comte
de Mâcon par son mariage et possesseur de domaines à Pontarlier
(actuellement dans le Doubs) et Salins (actuellement dans le Jura). Il
fonde une dynastie qui tout en gardant le titre de comte de Mâcon,
défie le roi Rodolphe II en s’attribuant le titre de comte
de Bourgogne. Les successeurs d’Aubry, Liétaud et Aubry II
poursuivent sa politique d’implantation territoriale indépendante.
Aubry II meurt aux environs de 982. Sa veuve épouse Ott-Guillaume,
fils d’un roi détrôné de Lombardie et beau-fils
du duc Rémi de Bourgogne (de l’autre Bourgogne..). Le duché
faisant partie du royaume de France, voici donc qu’apparaît
sur la région l’influence française.
Pour contrer cette menace, Rodolphe III s’est placé sous
la protection du souverain germanique Henri en lui prêtant solennellement
hommage en 1016. Il lui promet même la couronne de son royaume de
Bourgogne. Mais, de fait, Ott-Guillaume gouverne le comté de 982
à 1026 en toute indépendance et il est considéré
comme le premier vrai comte de Bourgogne : la future Franche-Comté
se trouve individualisée, entre le duché de Bourgogne et
les restes du royaume de Bourgogne qui disparaît au profit de l’Empire
germanique.
Ce premier comte, Ott-Guillaume, est l’arrière grand’père
de Guy, futur Pape Calixte II.
|
le pape Calixte
II d'après le médaillon de la série des médaillons des papes
Basilique Saint-Paul-hord-les-murs à Rome |
Les successeurs de Ott-Guillaume sont : Renaud I, Guillaume le Grand ou
Tête Hardie. Ce dernier a cinq fils, qu’il veille à
bien établir :
- Renaud II lui succède comme comte de Bourgogne en 1087,
- Raimond épouse Urraca, fille de Alphonse VI roi d’Espagne,
et devient roi de Léon et de Galice,
- Etienne meurt à la Croisade,
- Hugues III est archevêque de Besançon,
- Guy, archevêque deVienne , devient Pape en 1119, sous le nom de
Calixte II.
Guillaume l’Allemand, fils de Renaud II, succède à
ce dernier à la tête du Comté et meurt victime d’un
complot de ses barons en 1125. Son fils Guillaume l’Enfant est assassiné
en 1127.
Renaud III, fils d’Etienne, recueille le titre de comte et s’affirme
comme un vrai prince territorial. Son frère Guillaume aura deux
fils qui seront à l’origine de lignages dont le rôle
sera très important dans l’histoire du comté : les
Chalon et les Vienne.
|
Le fils de Raimond et d’Urraca succède à son grand’père
sur le trône d’Espagne sous le nom de Alphonse VII. Devenu
roi en 1109 alors qu’il était enfant, il eut pour tuteur
Guy, évêque de Vienne et futur Pape Calixte, qui doit défendre
son pupille contre les prétentions du roi d’Aragon, devenu
le second époux de sa mère.
Mariages et successions, le comté de Bourgogne,
entre l’Empire germanique et la France
- L’ influence germanique
:
La fille et héritière de Renaud III Béatrice épouse
Frédéric Ier Barberousse, empereur du Saint-Empire. Celui-ci
affirme son intérêt pour le comté, il vient souvent
dans son château de Dôle.
Le fils de Frédéric Barberousse, Othon porte le titre de
comte Palatin de Bourgogne. Lorsqu’il meurt en 1200, son héritière
Béatrice est encore enfant. On la marie à Othon de Méranie
qui, pour la Bourgogne, devient le comte Othon II. Il appartient à
une famille de princes allemands donc étrangers au pays, qui a
ses possessions sur la côte Dalmate et ne s’intéresse
que fort peu au sort du comté de Bourgogne ce qui ne plaît
guère aux grands féodaux.
Leur légitimité à la tête du comté est
contestée par les descendants des branches cadettes de la famille
des comtes, et le titre est revendiqué par Jean de Chalon (descendant
d’Etienne, frère de Calixte). Il trouve des alliés
à sa cause en épousant Mahaut fille du duc de Bourgogne.
Le duché est en effet dans la mouvance française et voit
d’un mauvais œil s’établir des princes germaniques
de l’autre côté de la Saône. Un compromis est
alors trouvé : en 1231, Othon accepte de marier sa fille Alix à
Hugues, fils aîné de Jean de Chalon. Après Othon III,
frère d’Alix, mort en 1248, le comté passe à
Othon IV fils d’Alix et Hugues, né en 1237.
Le titre est donc revenu dans la maison des descendants de Ott-Guillaume.
- L’influence française
Othon IV épouse Mahaut d’Artois, qui réside souvent
à Ornans et fonde un hôpital à Salins, en terre comtoise.
Leur fille Jeanne, comtesse de Bourgogne, devient reine de France en épousant
Philippe V le long, fils de Philippe le Bel, en 1296 et apporte le comté
en dot, mais le conserve personnellement à titre de viager. L’influence
française sur le comté a triomphé. A la mort de sa
mère, Jeanne de France reçoit le comté, et l’apporte
au duché de Bourgogne en épousant Eudes IV en 1330.
La Bourgogne ducale et la Bourgogne comtale seront
réunies de 1330 à 1361 puis, après un intermède
français au moment de la succession de Eudes IV, elles le seront
à nouveau par le mariage du duc Philippe le Hardi avec Marguerite
de Flandre, qui a recueilli le comté en héritage de sa mère
Jeanne de France. Cette situation dure de 1384 à 1477, date de
la mort du duc-comte Charles le Téméraire. Tandis que le
duché devient possession du roi de France, le comté reste
à Marie de Bourgogne, fille et seule héritière du
Téméraire. En épousant l’empereur Maximilien
, elle l’amène aux Habsbourg, le faisant à nouveau
passer sous influence impériale.
- Les guerres entre la France
et l’Empire pour la domination du Comté :
Le malheureux comté de Bourgogne subit entre 1477 et 1678 les assauts
des rois de France Henri IV, Louis XIII puis Louis XIV par deux fois,
avant d’être définitivement annexé par le traité
de Nimègue, soit près de sept siècles après
l’établissement de Ott-Guillaume en comté et cinq
siècles et demi après le pontificat de Calixte II. Les Comtois
ont entretenu leur particularisme obtenant de dénommer leur pays
Franche-Comté, car non soumis au sort commun.
Bibliographie
Fohlen, Claude, Histoire de Besançon, Besançon, Cêtre
1964
Locatelli, René, Histoire de la Franche-Comté, Naissance
et essor du Comté(XI° XIII° siècle), dir. Roland
Fiétier, Toulouse, Privat, 1978
Gresser, Pierre, Histoire de l’annexion de la Franche-Comté,
le Moyen Age et les premières mainmises françaises,
Paris, Horvath 1988
Péricard-Méa, Denise, Compostelle et cultes de saint
Jacques au Moyen-Age, Paris, Presses universitaires de France 2000
Gilberte Genevois,
association franc-comtoise du Chemin de Compostelle
2003
|