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Suite à la formation d'hospitaliers
réalisée à Conques en février dernier (2001), je me suis retrouvé du 1er
au 15 août à gérer le refuge de Roncevaux en compagnie de Marie-Thérèse
de Lyon, d'Amparo et de Maria-Angeles de San Sebastian. Roncevaux est principalement composé de bâtiments appartenant à une communauté de chanoînes qui met à disposition des pèlerins ce refuge. Le lieu est envahi dans la journée par des centaines de touristes qui visitent ce haut lieu qui outre l'abbatiale comprend entre autre un cloître, une très belle salle capitulaire et un musée. Au milieu de ces touristes, des pèlerins en route vers Santiago. Belle expérience à la rencontre de tous ces pèlerins de passage que je voudrais vous faire partager à travers ces quelques lignes. | Période chargée puisque le flot quotidien de pèlerins hébergés au refuge s'élevait de 120 à plus de 200 personnes. Le jour le plus chargé du séjour a vu passer 530 pèlerins (ceux hébergés, ceux de passage à pieds ou à vélo ou avec une voiture d'appui).
Notre rôle en dehors du nettoyage des lieux est d'accueillir le mieux possible le pèlerin, qu'il sente qu'il se trouve dans un lieu de vie du chemin et non dans un simple lieu d'hébergement de type hotelier. Le flot de pèlerins à Roncevaux se subdivise en trois catégories : les pèlerins qui viennent de France et ont déjà marché pendant plusieurs jours ou semaines (environ 10%), les pèlerins qui sont partis le matin même de Saint Jean Pied de Port et dont c'est le premier jour de marche (environ 15%), les pèlerins qui vont commencer le chemin et qui n'ont pas encore marché (environ 75%). En juillet et août il a été décidé que les pèlerins à vélo ne seraient pas hébergés au refuge, qu'ils devraient aller à l'auberge de jeunesse (également à Roncevaux) ou au camping d'Espinal à 7km où il y a une possibilité d'hébergement. Rappelons que pour les Espagnols, le chemin de St Jacques fait partie intégrante de leur culture. C'est pourquoi ils partent de chez eux pour rejoindre Pampelune et de là ils prennent l'autocar qui les mène à Roncevaux le soir vers 19h. Ce sont principalement ces pèlerins qui vont composer la troisième catégorie. Ainsi tous les soirs nous voyons débarquer de un, deux, voire trois ou quatre autobus une horde de futurs pèlerins, sacs à dos, encore endimanchés dans leur " tenue civile ". De tous les âges, principalement des Espagnols mais aussi de toutes les nationalités (beaucoup d'étrangers prennent l'avion jusqu'à Madrid pour ensuite rejoindre Roncevaux). La particularité de ces pèlerins est que dans la majorité des cas ils ne sont absolument pas préparés à leur pérégrination (les veaux du titre de l'article). Ils se précipitent à l'office des pèlerins pour obtenir leur " crédential " et le premier tampon. Ils sont tout surpris de se retrouver dans un dortoir avec des lits supperposés ou sur des matelas mousse sur le sol ou les jours de grande affluence, directement sur le sol entre les lits ou sous la grande table du refuge. Dans beaucoup de cas, leur intention est de marcher quelques jours sur le camino (souvent 4 ou 5 jours). A voir les volumes des sacs à dos, nous savons qu'ils risquent d'avoir des problèmes de surcharge dès le premier jour. Il y a beaucoup d'associations de pèlerins en Espagne, mais on a l'impression que peu de ces pèlerins sur le départ ont été informés de ce qu'ils allaient rencontrer sur le camino. Deuxième catégorie de pèlerins : ceux qui partent de Saint Jean Pied de Port et qui vont arriver la plupart du temps complètement épuisés entre 16h et 23 heures le soir. Ce sont des Espagnols qui désirent commencer depuis l'autre coté des Pyrénées (ils sont arrivés la veille par le car et descendus à St Jean en taxi), des étrangers qui viennent sur le chemin à partir de Paris via Bayonne et des Français qui entament leur chemin pour la première fois ou poursuivent un chemin commencé l'année précédente. |
Tous ces pèlerins rencontrent les " ronces " du titre de l'article. Dure étape de 27 km avec un dénivellé important et une descente sur Roncevaux à briser les genoux. Certains de ces pèlerins sont au bout de leurs limites, en particulier ils ont trainé leur sac souvent trop lourd. Nous avons le temps de les accueillir car ils arrivent échelonnés et un verre d'eau et une prise en charge du sac par un hospitalier pour monter les 97 marches jusqu'en haut du refuge n'est pas de refus. Une bonne douche et un peu de repos et ce sont des pèlerins presque neufs. Le refuge se voit quotidiennement gratifié de dons en nature les plus divers de la part de ces pèlerins (le prochain bureau de poste pour un envoi de colis se trouve à 2 jours de marche). Le refuge se voit doté d'une collection impressionnante de dictionnaires anglais-espagnol, allemand-espagnol etc, de livres divers, de vêtements de toutes sortes laissés volontairement. Une pèlerine américaine nous a laissé un matin environ 2kg de produits de beauté dont 15 savonettes d'hôtel. Nous avons pu rééquiper un pèlerin Français qui s'était fait voler un sac à la gare de Nantes. Un de ces pèlerins a du abandonner son chemin les pieds en sang (il était parti avec des chaussures neuves). Dernière catégorie de pèlerin : ceux qui ont déjà de nombreux kilomètres dans les jambes et une expérience des gîtes en France. Ils viennent à pieds de toute l'Europe, souvent en partant du Puy mais quelques fois de bien plus loin comme Freddy parti de chez lui à Fribourg en Suisse. Pour ces pèlerins, l'étape Pyrénéenne ne présente pas de difficulté et ils arrivent souvent vers 14-15h l'après-midi, ils sont obligés d'attendre l'ouverture du refuge à 16h pour avoir droit à la douche réparatrice. Ils sont généralement surpris de trouver un accueil par un hospitalier, ancien pèlerin lui-même. C'est l'occasion de partages très forts et aussi l'occasion de faire marcher " radio camino " pour avoir les dernières nouvelles du chemin en France et pour nous d'évaluer le flux restant de pèlerins qui doivent arriver le soir même. Pour certains, c'est le choc du nombre, ils vont devoir s'habituer à marcher avec une centaine de personnes , voir plus, en parallèle. Claire de Clermont-Ferrand n'a pas tenu le choc, elle a interrompu son cheminement à Roncevaux ne supportant pas la masse de pèlerins après le calme relatif de sa pérégrination depuis Le Puy. En réalité si j'ai regroupé tous ces pèlerins en trois catégories, ils sont un cas particulier à chaque fois. Chacun à sa propre motivation de venir sur le Camino. Malheureusement nous n'avions pas la possibilité de rencontrer toutes ces individualités. Certains nous ont pourtant marqués car ils se trouvent à la marge. Ainsi Sylvie qui fait le chemin avec son chien depuis de nombreux kilomètres en venant de Rouen en poussant son fauteuil d'handicapé qui lui sert de cannes et de porte sac. Ainsi Laura qui est partie avec son bébé de 8 mois dans le dos, pieds nus, avec un petit sac sur le devant et son violon. Tous ces pèlerins, quel qu'en soit le statut, auront un vécu de leur périgrination qu'ils feront partager autour d'eux. Qu'ils soit remerciés car à leur rencontre j'ai pu également continuer mon propre chemin. Michel Palut
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