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mise à jour le 15 janvier, 2009 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente Accueil
 

Compostelle et
cultes de saint Jacques au Moyen Âge

Recension parue dans les Annales, numéro 3 Mai-Juin 2OO1, pages 715-717, de la thèse de Denise PÉRICARD-MÉA, Compostelle et cultes de saint Jacques au Moyen Âge , Paris, PUF, « Le nœud gordien », 2000.

couverture de la thèse de Denise Péricard-Méa

La littérature sur le pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle est abondante.
Parmi elle, il faut distinguer les ouvrages destinés à un large public, les guides pour les randonneurs d'aujourd'hui qui souhaitent mettre leurs pas dans ceux des pèlerins d'hier, et enfin les ouvrages scientifiques. Si le livre de Denise Péricard-Méa, issu d'une thèse, appartient bien sûr à cette dernière catégorie, il ne traite pas directement du pèlerinage à Saint-Jacques en Galice. La problématique est plus subtile, plus novatrice, puisqu'elle aborde plus particulièrement le culte envers saint Jacques dans la France médiévale. Dans son introduction, où elle expose les raisons de son enquête, l'auteur dresse le bilan des études sur Saint-Jacques-de-Compostelle. Les recherches débutent à la fin du XVIe siècle avec la lutte de Clément VIII qui, pour déstabiliser l'Espagne de Philippe III, attaque son patron (saint Jacques) et prive le sanctuaire espagnol de toute authenticité historique. Après une partie consacrée à l'Ancien Régime, il est question des recherches compostellanes au cours du XXe siècle. Vers 1930, le contexte historique est à nouveau particulièrement intéressant, puisque les travaux sur Compostelle sont encouragés par Franco, Galicien d'origine. Quelques années après, des historiens et historiens de l'art français se lancent dans le champ des études compostellanes. C'est notamment à ce moment que naît l'engouement pour les « chemins de Saint-Jacques-de-Compostelle », dont on mesure encore la ténacité. Cette fortune critique a permis à l'auteur de trouver sa propre problématique pour le développement de laquelle elle s'est, autant de fois que possible, référée aux nombreuses sources disponibles (archives diverses, chroniques, récits de voyages, etc.). Aussi est-elle arrivée au constat suivant : au Moyen Âge, saint Jacques présente un « visage composite ».

Pour mener à bien l'étude de la dévotion de saint Jacques en France, l'ouvrage est divisé en deux grandes parties : la première est consacrée au saint et à son culte, la seconde vouée aux hommes, aux pèlerins. Saint Jacques lui-même n'a pas échappé à une étude de fond, celle qui se nourrit aux sources. Qui était saint Jacques dans les croyances médiévales confrontées à un saint « Majeur », à son homonyme dit « Mineur » et à des Jacques orientaux ? Le saint était-il perçu de la même manière par le religieux et par le laïc ? L'étude de textes essentiels comme l'Epître de Jacques révèle les spécificités du saint et amène à la mesure de son extraordinaire popularité. Ce texte frappe parce qu'il traite de la maladie, de la mort, de la fécondité, etc. Si ces maux et autres inquiétudes sont communs à toutes les sociétés, ils étaient au Moyen Âge autant de domaines sur lesquels saint Jacques pouvait intervenir. En effet, le saint guérit les maladies, exorcise les possédés, protège les hommes des mauvaises récoltes, calme les caprices des mers et des fleuves. En comparaison avec les spécificités attribuées aux autres apôtres, celles de saint Jacques sont nettement plus nombreuses. Plus encore, le rôle du saint au moment du trépas et du Jugement dernier est essentiel pour une population soucieuse de
l'onction des malades et des mourants, et qui prête aussi à saint Jacques le pouvoir de redonner la vie. Ces patronages ont façonné l'extraordinaire renommée du saint. Celle-ci se mesure notamment à l'aune des images de l'apôtre sur les tombeaux, dans les chapelles funéraires. De même, les restes d'un habit et des attributs de pèlerin dans une sépulture, ou encore les hôpitaux portant le nom de l'apôtre, confirment la protection de saint Jacques et trouvent plutôt leur origine dans le texte de l'Epître que dans l'accomplissement d'un pèlerinage à Saint-Jacques-de-Compostelle. Ainsi, on arrive au cœur même de l'étude : le lointain sanctuaire de Galice n'a pas pu être le seul lieu de sépulture, d'autres églises de proximité ont assuré un culte plus quotidien, faisant de Compostelle un mythe. Saint Jacques est « un et multiple », et cette multiplicité se révèle surtout par le grand nombre de reliques du saint qui provoquent, comme celles conservées en Galice, des miracles. II y avait un bras à Liège, un autre à Würzbourg, un os du bras à Paris, un os du pied à Pistoia. Des corps du saint apparaissent aussi bien à Échirolles qu'à Toulouse, à Angers ou encore à La Chapelle-d'Angillon. Arras et Toulouse disaient conserver la tête. Il y avait aussi des reliques diverses à Provins, à Reading, etc. S'ils évoquent la multiplicité des cultes en l'honneur de saint Jacques, ces chapitres, précieux et fortement intéressants, introduisent dans l'univers passionnant des croyances médiévales.
L'étude se poursuit avec les thèmes liés au culte de saint Jacques, en évoquant les confréries et les hôpitaux. Là, à nouveau, un travail des textes révise des poncifs à la vie dure. Les confréries, par exemple, ne réunissaient pas que d'anciens pèlerins de Compostelle ; elles comprenaient peu d'adhérents, et leur origine sociale était élevée. Le thème des trop fameux « chemins de Saint-Jacques » est abordé par une synthèse des études infirmant cette appellation trompeuse qui n'indique pas obligatoirement une route menant à Compostelle mais celle conduisant à un de ces sanctuaires de proximité voués à l'apôtre. De même, les quatre routes énoncées dans le Guide du pèlerin — qui a été pratiquement inconnu au Moyen Age et jusqu'à sa publication par Jeanne Vieillard en 1938 — retrouvent une plus juste réalité dans le contexte des déplacements des hommes d'alors et de la symbolique médiévale.
Après l'étude des sites et des structures d'accueil, la seconde partie de l'ouvrage aborde les pèlerins. Il y avait bien sûr les pèlerins anonymes — pas aussi nombreux qu'on a bien voulu le dire —, les prestigieux (rois, princes, prélats) et ceux idéalisés parce que nés de l'imagination des poètes. Il est aussi question des raisons du pèlerinage qui pouvait être par procuration — un pèlerinage « immobile » —, post mortem ou pénitentiel. Si la dévotion est la motivation pèlerine la plus connue aujourd'hui, il ne faut pas négliger les raisons commerciales, politiques, diplomatiques ou militaires, mais aussi la volonté de quitter son quotidien, de voir du pays.
Justice est rendue à ces sanctuaires locaux que l'historiographie avait souvent éclipsés au profit du grand et mythique Saint-Jacques. C'est la disparition des lieux saints de proximité après la Contre-Réforme qui a favorisé l'émergence de Compostelle comme sanctuaire unique voué à saint Jacques, qui n'est pourtant pas une réalité médiévale. Aussi la recherche compostellane — vieille de cinq siècles —, essentiellement singulière et nombriliste dans une grande partie du siècle que nous venons de quitter, devient-elle ici plurielle et équitable. Saint-Jacques est remis à sa place médiévale au profit d'une meilleure connaissance des croyances de l'homme médiéval. ,

Denis BRUNA

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