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Question de l'abbé pierre Jégou du diocèse de Saintes.
A propos d'une peinture murale de l’église d’Avy placée sur le mur de la chapelle,
à gauche du chœur.
Elle est, dit-il, présentée ainsi dans un guide touristique récent : « à l’intérieur
à gauche s’ouvre une chapelle ornée d’une peinture murale du XIVe siècle : deux
donateurs présentés par leurs saints patrons vénèrent une Vierge à l’Enfant
portant l’équipement du parfait pèlerin : chapeau, bourdon, besace… La chapelle
recouvre un ossuaire dont on voit l’accès à l’extérieur » (cf. également la
notice affichée près de l’église).
Il doute de la représentation d’une Vierge : « Le personnage central tient sur
son bras droit un enfant. Il est habillé en saint Jacques et, à mon avis, rien
ne justifie dans cette peinture l’appellation de Vierge à l’Enfant».
Il y voit plutôt un saint Jacques : Sa lecture est basée sur la comparaison
avec une illustration beaucoup plus tardive de la légende du pendu-dépendu,
représentant saint Jacques entouré de scènes dont deux sont légendées : en haut
à droite «le Père et la Mère requérant que l’on dépende leur enfant», en haut
à gauche «l’innocent fut dépendu, sain et joyeux leur fut rendu». En bas, le
père et la mère implorent saint Jacques».
L'abbé Jégou fait une analogie entre la peinture et l’image, mais se demande
s’il a raison.
Voici nos éléments de réponse 1- La référence au miracle du pendu-dépendu ne paraît pas pertinenteHormis deux pèlerins agenouillés aux pieds de saint Jacques, ce qui est une attitude que l’on retrouve souvent, aucune scène ne vient évoquer le pendu-dépendu : pas de servante glissant un objet dans le sac du pèlerin, pas de gibet, pas de juge à table… Ces scènes ornaient-elles les arcatures aujourd’hui vides ? On ne sait. 2- Des erreurs de lecture et de restaurationEn 1949, le chanoine Tonnelier découvrait cette fresque qu’il lisait encore ainsi en 1965 (bulletin n°25 de la Société des Amis de Saint-Jacques p. 34) : « pèlerins, le mari et la femme présentés par leur saint patron, à genoux devant saint Christophe en pèlerin, portant l’Enfant. Sur le bâton de saint Christophe est venu se percher un oiseau». En cette même année 1949, le chanoine Jean-Abel Marchand publiait dans La Croix du 4 février un article titré «Une fresque mariale du XIVe siècle en Saintonge». Emile Mâle avait daté cette peinture du XIVe siècle et on peut supposer que c’est lui qui a guidé vers l’interprétation qui prévaut encore aujourd’hui : une Vierge à l’enfant que le chanoine Marchand décrit comme «Notre-Dame, assise, tenant sur ses genoux l’Enfant divin». En 1950 eut lieu une restauration qui transforma le personnage central en une Vierge à l’Enfant, non plus assise, mais debout si l’on en juge par la photo. Il serait bon de retrouver la commande de cette restauration, en la cherchant aux archives de la paroisse, de la mairie ou de l’évêché. Comment, d’une Vierge assise, le restaurateur en est-il venu à présenter une Vierge pèlerine, debout ? Comment a-t-il vu cet enfant qui apparaît aujourd’hui comme une chevelure surmontant un amas de vêtements d’où ne sortent ni bras ni jambes ? A-t-il pensé à une Majesté ? Mais l’Enfant y est toujours vu de face. Alors que le chanoine Marchand parle d’un évêque au-dessus du donateur, on voit aujourd’hui un personnage auréolé ? Quant à l’oiseau sur le bourdon, n’est-il pas plutôt une imperfection de la peinture ? (les érudits y ont vu une allusion à l’ancien nom d’Avy : Avis) En 1971 cette peinture, présentée dans un livre intitulé Santiago en Espana, Europa y America (Madrid, Ministerio de Informacion y Turismo), est néanmoins identifiée comme celle de saint Jacques. Il faut sans doute voir dans cette nouvelle identité l’influence de l’intérêt grandissant pour saint Jacques et le pèlerinage à Compostelle, sous l’impulsion de René de La Coste-Messelière, originaire de la région et soucieux de trouver dans les oeuvres d’art des balises du chemin de Compostelle. Les informations manquent sur l’état de la peinture en 1971 qui ont permis de passer d’une Vierge à saint Jacques. S’était-elle à ce point dégradée en 20 ans qu’elle laissait apparaître le dessin initial ? En 1996, Humbert Jacomet («Trois ex-votos de pèlerinage maritime à Saint-Jacques», Rutas atlanticas de peregrinacion à Santiago, Actas del II congreso interciaonal de estudios Jacobeos, Santiago, 1999) reprenait la lecture ci-dessus et affirmait que la chevelure de l’Enfant n’était qu’une mauvaise restauration de la barbe de l’apôtre, et que les soi-disant vêtements étaient en fait le Livre que tient saint Jacques, la tranche serrée par la main gauche tandis que le dos de ce même Livre repose sur son buste. Cette lecture semble aujourd’hui la seul acceptable. Votre question me donne l’occasion de présenter mon interprétation de cette lecture, à partir de la vénération portée à saint Jacques en tant qu’auteur de l’Epître, pendant toute la période médiévale. 3- Une nouvelle proposition de lecture de la peintureBien que saint Jacques ne soit pas le seul saint à être costumé
en pèlerin, on peut admettre ici cette identité. Pourquoi ? Il est placé
dans une chapelle funéraire, située, comme souvent, au nord de l’édifice.
Cette chapelle fut embellie, probablement au XIVe siècle et dotée, à l’occasion
de ces travaux, de la peinture murale qui nous occupe.
Voici un complément d'analyse (25/09/2003) La peinture d'Avy est très intéressante mais
de lecture difficile en raison des nombreux repeints (au moins trois).
Il s'agit sans aucune doute d'un saint Jacques et non d'une Vierge travestie.
Elle doit représenter le miracle du pendu. Les parents de l'enfant
y sont agenouillés en position de donateurs de chaque côté
du grand saint Jacques qui tient l'enfant. Dominique Rigaux |
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