Cette présentation des légendes de saint Jacques et Roland est une invitation à des échanges. Les internautes qui souhaiteraient exposer leurs sentiments et leurs idées sur ces sujets ou, s’ils en ont la compétence, coopérer à leur mise en valeur sont priés d'écrire à la Fondation
Les légendes sont aujourd’hui un sujet largement délaissé, et, de fait, elles occupent une place à part. Ce ne sont ni des textes historiques dont on cherche à dégager la vérité, ni des textes littéraires qui séduisent par leur beauté. Ce sont des fictions intéressées qui visent à façonner des mentalités, à implanter des convictions propres à induire les comportements souhaités par la communauté à laquelle appartient le rédacteur. Le rapprochement ici des noms de saint Jacques et de Roland est bien fait pour surprendre, tant l’esprit analytique sépare rigoureusement, et à juste titre, la dévotion pèlerine au saint vénéré à Compostelle et les connaissances historiques relatives au héros de Roncevaux. Mais justement, lorsqu’on les replace l’un et l’autre sous le signe de la légende, on constate que les deux domaines sont moins étrangers l’un à l’autre qu’il y paraît d’abord, qu’ils entretiennent au moins un rapport de contiguïté et qu’ils sont par là en mesure de s’éclairer mutuellement. |
Du
Ier au XIIe siècle, un certain nombre de textes ont permis de connaitre
l'apôtre Jacques le Majeur puis le lieu supposé de son tombeau
en Galice où s'est développé le pèlerinage de
Compostelle. Quels sont ces textes ? On parle souvent du Codex Calixtinus
et encore plus de son dernier Livre (traduit en 1938 sous le titre de Guide
du pèlerin) sans s’aviser qu’il s’agit là
de textes tardifs qui résultent d’une évolution mais ne
la commandent pas. D’où viennent-ils ? Par qui et quand ils ont
été composés ? |
Légende de saint Jacques
Les Commentaires de saint Jérôme, inspirés de l’Épître aux Romains, soulignent la place de l’Espagne dans la diffusion du message chrétien en opposant celle-ci à l’Illyrie qui représente le versant oriental de la prédication. L’évangélisation du monde y apparaît en relation avec le mouvement apparent du soleil d’Est en Ouest, tandis que chaque apôtre est censé reposer là où il a prêché l’Évangile.
Les
catalogues apostoliques apocryphes, - qui suivent le plus ancien attribué,
à tort, à saint Jérôme, - mentionnent pour saint
Jacques, sa prédication en Espagne, son tombeau en Achaïe Marmarique,
et sa fête le 25 juillet. Le premier thème découle d’une
contamination avec saint Paul, le second d’une confusion avec saint
Jacques le Mineur, le troisième d’une assimilation avec le dieu
antique Hermès/Mercure dont la fête se célébrait
à cette date, le jour de la Canicule, et qui, selon Tite-Live, possédait
en Espagne son tombeau (tumulus Mercurii, près de Carthagène).
Jean et Jacques représentent, en outre, dans le registre chrétien
les Dioscures, Castor et Pollux, auxquels sont attribués les deux crépuscules
du matin et du soir.
Dans le quatrième livre de son Histoire du combat apostolique
qui rapporte l’évangélisation du monde par les Apôtres
et leur martyre, un auteur qui signe du pseudonyme Abdias, évêque
de Babylone, mais écrit en Gaule Narbonnaise, fournit un récit
détaillé du martyre de saint Jacques. Ce récit démarque
la rencontre de saint Philippe avec Simon le Magicien en racontant la conversion
du magicien Hermogène et de son acolyte Philète, dont le nom
est emprunté à la deuxième épître de saint
Paul à Timothée. Il s’inspire aussi de la vie de saint
Pierre guérissant un paralytique sur le chemin de Lydde, pour montrer
saint Jacques faisant de même, et convertissant deux sbires, comme fit
saint Paul des deux archers de la garde impériale envoyés pour
le conduire au supplice.
Une hymne de la liturgie mozarabe, datable de la fin du 8e siècle, parce qu’elle comporte un acrostiche du roi asturien Mauregat (783-789) célèbre saint Jacques comme l’évangélisateur et le patron de l’Espagne. De nombreuses églises dédiées à saint Jacques sont construites dans le Nord du pays.
Aucun
texte relatant les circonstances dans lesquelles fut découvert le tombeau
de Compostelle et attribué à saint Jacques n’a été
conservé. La plupart du temps déformée par la tradition
manuscrite, la mention de l’Achaïe Marmarique dans les catalogues
apostoliques a pu suggérer l’identité avec le tombeau
galicien sis en un lieu appelé arcis marmoricis.
Le premier reflet textuel connu de l’«invention» du tombeau
de saint Jacques « face à la mer de Bretagne (= Atlantique) »
se trouve dans quelques lignes interpolées à Metz vers 840 dans
le Martyrologe du diacre lyonnais Florus, qui est un calendrier des saints
à célébrer chaque jour de l’année. Ce texte
bref, qui sera repris intégralement dans les martyrologes ultérieurs
d’Adon, évêque de Vienne en terre d’Empire, et d’Usuard,
à Saint-Germain des Prés, fournira aux siècles suivants
l’unique information de base et l’incitation la plus répandue
à partir en pèlerinage.
Ce n’est sans doute pas un hasard si cette brève notice est interpolée
à Metz qui est le siège favori de l’empereur Louis le
Pieux. Les chanoines réguliers de saint Augustin qui au début
du siècle se sont donné à Aix-la-Chapelle la règle
de saint Chrodegang, évêque de Metz, ont entre autres pour vocation
l’entretien de la dévotion aux martyrs chrétiens.
La présence des reliques de
saint Jacques à Compostelle incite naturellement à s’interroger
sur la manière dont elles y sont parvenues. La réponse apportée
s’inspire dans ses grandes lignes de la translation maritime des
reliques de saint Marc à Venise en 828-829.
Elle opère en outre la synthèse de deux récits, dont
le premier relate la translation de l’hérétique Priscillien,
dont l’acrostiche apparaît en filigrane à travers les toponymes
(Bisria + Ilicinus = Priscillianus), tandis que le second raconte l’évangélisation
de l’Espagne par sept apôtres, selon le modèle de la légende
grecque des sept dormants. A cela elle ajoute la victoire sur le dragon empruntée
à la légende de saint Matthieu rapportée par le Pseudo-Abdias.
Pour donner plus d’autorité à ce récit fabuleux,
il est placé dès sa première occurrence sous le patronage
d’un pape Léon (vraisemblablement Léon III, grand pourfendeur
du priscillianisme après saint Augustin), censé avoir écrit
une lettre à ce sujet.
Cette première version de la lettre papale donne lieu à
la rédaction d’hymnes liturgiques chantées à
Compostelle lors des offices solennels destinés aux pèlerins.
Rapportées dans leur bagage, elles diffuseront la connaissance
de saint Jacques en dehors de la Galice.
Il existe trois versions épistolaires postérieures de ce
texte, qui diffèrent toutes par quelques détails et dont
la dernière est reprise dans les compilations ultérieures
attribuées au pape Calixte.
Au
début de ce siècle, en 1005 ou 1027, et peut-être en liaison
avec le prieuré normand de Saint-James de Beuvron, la translation des
reliques de saint Jacques fait l’objet d’un sermon d’apparat
à Fleury (aujourd’hui Saint-Benoît-sur-Loire).
En 1077, l’accord passé entre l’évêché
de Compostelle et le monastère d’Antealtares sur le partage des
bénéfices pendant la construction de la cathédrale débute
par un paragraphe qui raconte dans le style légendaire des inventions
de reliques la découverte du tombeau de saint Jacques par l’évêque
d’Iria, Théodemir, à la suite d’une révélation
faite à l’ermite Pélage, fondateur du monastère.
C’est sans doute à la suite de la mise au point de ce contrat,
qu’est inséré à Saint-Martial de Limoges, dans
un volume contenant des textes du dixième siècle, un feuillet
contenant en caractères wisigothiques la première lettre du
pape Léon sur la Translation de saint Jacques.
Au
tournant du siècle, le pape presse le clergé de Compostelle
de se donner un nouvel évêque et insiste en 1100 pour que les
nobles et le clergé galiciens ne se rendent plus en pèlerinage
à Jérusalem désormais libéré où
ils n’ont que trop tendance à demeurer, affaiblissant ainsi le
flanc occidental de la chrétienté.
En 1103 , peut-être en relation avec une visite
de Diego Gelmirez, évêque de Compostelle, à Saint-Martial
de Limoges, le récit de translation dit de Gembloux est rédigé
dans la forme d’une liturgie de saint Martial. Il sera repris dans
les compilations ultérieures placées sous le patronage du
pape Calixte.
Sans doute en 1105, à l’occasion de la dédicace de
la cathédrale de Compostelle, le 21 avril, soit un an jour pour
jour après la basilique de Vézelay, maître Panicha
refond les hymnes liturgiques anciennes attribuées au pape Léon
qui figureront désormais sous cette double attribution.
En 1131, sur fond de schisme
pontifical, le patriarche de Jérusalem, Guillaume de Messines, envoie
le chanoine régulier de saint Augustin Aimeric Picaud à Compostelle
en passant par Cluny, où s’est réfugié le pape
Innocent II chassé de Rome par l’antipape Anaclet. Aimeric Picaud
est chargé de remettre au pape la soumission du patriarche de Jérusalem
et de l’évêque de Bethléem. Il rencontre à
cette occasion le bibliothécaire de Cluny, Pierre de Poitiers, Albéric,
abbé de Vézelay et vraisemblablement aussi Suger, abbé
de Saint-Denis, venu faire allégeance au pape de la part du roi de
France. Guillaume de Messines a confié à Aimeric quelques miracles
qu’il a composés en l’honneur de saint Jacques. Son émissaire
accroîtra en cours de route sa collection en y ajoutant des miracles
italiens, des miracles empruntés à ceux de saint Gilles et des
miracles rhodaniens en remontant vers Cluny, puis des miracles copiés
sur ceux de saint Léonard en redescendant vers Compostelle, où
il recueillera enfin quelques miracles espagnols. Sa collection ne va pas
au-delà de 1135. C’est l’année ou s’achève
la cathédrale de Compostelle, et les Miracles qui montrent saint Jacques
protégeant inlassablement ses pèlerins sur les chemins sont
bien faits pour inciter les fidèles à ne pas redouter les dangers
du pèlerinage.
Après 1139, année marquée par le passage à Compostelle
du légat pontifical Albéric d’Ostie qui ajoute un miracle
à la collection d’Aimeric, la mort de Diego Gelmirez et donc
l’arrêt de la rédaction de l’Historia Compostellana
écrite à sa gloire, il semble que l’idée soit venue
à Compostelle de rassembler quelques textes propres à former
un dossier publicitaire en faveur du sanctuaire qui va connaître quelque
turbulences. Une compilation se constitue qui réunit derrière
une lettre évidemment apocryphe du pape Calixte, qui raconte la visite
d’Aimeric Picaud à Cluny, un dossier sur la Translation, comprenant
la quatrième version de la lettre du pape Léon et la Translation
de Limoges/Gembloux, les trois solennités de saint Jacques parmi lesquelles
apparaît, soi-disant instituée par saint Anselme, une fête
des miracles le 3 octobre, et le recueil des Miracles, attribué lui
aussi au pape Calixte.
Dans un premier temps, la compilation jacquaire
et la compilation rolandienne sont rapprochées au point de n’en
plus former qu’une, l’Histoire de Charlemagne et de Roland
du Pseudo-Turpin figurant en tête du nouvel ensemble, avant même
la lettre apocryphe du pape Calixte. Il semblerait que cette nouvelle
compilation puisse être attribuée à Pierre de Poitiers,
venu de Cluny pour contribuer à la traduction la tine du Coran.
1144-1159 : C’est seulement au cours d’une étape ultérieure
que cette compilation change l’ordre de ses composantes. La lettre
du pape Calixte passe en tête, suivie des Translations et des Miracles,
puis de l’Histoire de Charlemagne et de Roland. L’ensemble
prend alors le nom de Livre des Miracles de saint Jacques du pape Calixte.
Il n’adopte pas pour autant une forme immuable : l’Histoire
de Charlemagne et de Roland y connaît des versions successives,
qui ont entre autres pour but de souligner que l’empereur d’Allemagne,
Frédéric Ier revendique l’héritage de Charlemagne.
En outre apparaissent des textes satellites, sur saint Eutrope de Saintes,
sur les Navarrais, sur la mort de Turpin, sur l’émir de Cordoue,
etc. A la fin de la compilation figure un poème d’Aimeric
Picaud, qui n’est qu’une table des matières versifiée
du recueil de miracles, ainsi qu’une authentification apocryphe
de l’ensemble par le Pape Innocent II, elle-même confirmée
par des cardinaux.
Vers 1160, le Livre des Miracles du pape Calixte, s’enrichit encore.
Les textes épars tendent à se regrouper et à former
le contenu d’un volume qui sera placé en aval et deviendra
le Guide du Pèlerinage. D’autre part, une vaste compilation
liturgique de sermons et d’offices se constitue et prendra la première
place. Ainsi se constitue le Jacobus, que la critique moderne a dénommé
le Livre de saint Jacques. Cet ample dossier qui rassemble l’essentiel
de ce qui a pu être dit en l’honneur du saint, à l’exception
de l’invention de son tombeau, remplit à divers titres une
fonction critique à l’égard de l’archevêché
de Compostelle. Non seulement elle condamne certaines prébendes
ecclésiastiques des chanoines, mais la somptueuse liturgie laisse
bien entendre que l’on n’est pas en mesure sur place de s’en
doter soi-même. Tout en essayant d’y reprendre la main, alors
même que les Cisterciens y sont désormais implantés,
Cluny adopte envers Compostelle une attitude colonisatrice.
Ce Jacobus ou Livre de saint Jacques n’est connu que par un manuscrit
de luxe appelé aussi Codex Calixtinus, composé à
Vézelay, copié à Cluny et relié à Aix-la-Chapelle.
Il fut vraisemblablement apporté à Compostelle en 1164 par le
cardinal archevêque de Mayence, Konrad von Wittelsbach, sur l’ordre
de l’empereur Frédéric Ier. Compte tenu de son contenu
critique l’archevêché de Compostelle ne lui a assuré
aucune diffusion. Les premières copies relativement complètes
datent du XIVe siècle et furent établies à l’intention
de hauts dignitaires ecclésiastiques. En revanche les diverses versions
du Livre des Miracles de saint Jacques du pape Calixte ont été
assez largement répandues au XIIIe et au XIVe siècle, et plus
encore la seule Histoire de Charlemagne et de Roland qui a été,
jusqu’à la redécouverte de la Chanson de Roland
dans les premières décennies du XIXe siècle, le seul
texte à transmettre à la postérité la légende
dans laquelle elle a plus d’une fois voulu voir une histoire.
Légende de Roland
En 1101 ou 1104 les Bénédictins de Conques reçoivent la propriété de l’hôtellerie de Burguete sous le pas de Cize. Ils apportent au mythe jusqu’alors seulement héroïque de Roland la dimension hagiographique qui fera de lui un martyr de la foi, comme il ressort du nécrologe de Saint-Romain de Blaye - reproduit par le futur Guide du Pèlerinage - où Roland est censé être inhumé.
En
1108, à la suite de la défaite d’Uclès, première
bataille de la Reconquista, dans laquelle meurt le fils d’Alphonse VI,
le premier récit de la bataille de Roncevaux est rédigé,
sans doute par les soins de Pierre d’Andouque, évêque de
Pampelune. Il a pour but non seulement de souligner la valeur guerrière
du jeune héros, mais d’excuser la défaite en la mettant
sur le compte de la trahison par Ganelon et de redonner l’espoir en
évoquant le retour victorieux de Charlemagne. Utilisé à
des titres divers par toutes les versions ultérieures, ce texte que
nous ne possédons plus sous sa forme originale, ancre la légende
de Charlemagne et Roland en Espagne dans la première station du chemin
espagnol de Saint-Jacques en lui conférant un prestige sans pareil.
Au cours des années suivantes, la légende rolandienne essaime
à la fois hors de sa vocation locale première et de ses attaches
pieuses avec saint Jacques. Les textes français, dont la branche I
de la Karlamagnussaga norroise nous a conservé la traduction
tardive, attestent son transfert dans le registre des cantilènes populaires
chantées dans les foires, qui s’intéressent aux incestes
et adultères dans les coulisses de la politique, comme au décorum
chevaleresque qui entoure les grands de ce monde (pipolisation !). A l’inverse,
et sans doute en réaction, la Trahison de Ganelon latine (Carmen
de proditione Guenonis) drape l’événement dans le
style de l’épopée antique en hexamètres ampoulés
qui visent à ’élever le récit au niveau de la dignité
impériale.
En 1119-1120, la légende rolandienne retrouve ses attaches compostellanes
avec l’autobiographie, évidemment fictive, de l’archevêque
Tylpin, ancien moine de Saint-Denis où est rédigé ce
texte (BnF, manuscrit latin 5943B), qui porte ici son nom réel. Elle
est destinée à faire pendant au récit de Roncevaux de
1108 qui est celui d’un échec au retour vers la France, en montrant
Charlemagne partant vers l’Espagne et y remportant des succès.
Ce récit débute d’une manière éclatante
par l’apparition de saint Jacques à un Charlemagne dont les traits
rappellent le roi de Castille/empereur d’Espagne Alphonse VI pour lui
enjoindre de se rendre en Galice et d’y délivrer son tombeau.
Évoquant la voie lactée et les innombrables pèlerins
futurs de Compostelle, cette représentation très prégnante
doit inciter la chevalerie française à s’associer au projet
de croisade espagnole du pape Calixte II récemment élu à
Cluny et qui séjourne à Saint-Denis en marge de sa participation
au concile de Reims, immédiatement avant que Compostelle ne soit promu
au rang d’archevêché..
De 1120 à 1125, le moine Turoldus (alias Thérould d’Envermeu),
ancien évêque de Bayeux, est chargé, à la même
fin de croisade que projette le pape, de composer à l’abbaye
du Bec une adaptation vernaculaire de la légende rolandienne. Celle-ci
se présente sous un aspect délibérément hybride.
D’une part elle opère en tant que clércale, la synthèse
des sources savantes (Bataille de Roncevaux, Carmen de proditione
Guenonis, Autobiographie de Tylpin mentionnés ci-dessus),
d’autre part elle adopte un style de chanson de geste qui est celui
des jongleurs populaires. Elle traite de la guerre sainte contre les païens
dans des laisses qu’elle marque du sigle AOI (Alpha Oméga
Iesus), tandis que les laisses non siglées développent les
aspects pittoresques et symboliques des mêmes événements.
Un assez grand nombre de manuscrits tant étrangers que français
permettent de suivre d’assez près la genèse de l’œuvre,
dont la forme la plus aboutie est attestée par le manuscrit d’Oxford,
tandis que d’autres versions, entre autres franco-italiennes, ajoutent
des continuations à des états textuels antérieurs. C’est
une œuvre de piété, de chevalerie et de propagande, inspirée
des idées politiques et esthétiques de Suger, dans laquelle
Charlemagne s’identifie au roi de France Louis VI. La mort du pape Calixte,
à la veille de Noël 1124 et l’abandon du projet de croisade
par son successeur interrompt la rédaction du poème. Vers 1135,
elle est reprise au profit de l’épisode de Baligant, pour lequel
Turoldus, exploite la chanson occitane de sainte Foy non sans remanier l’ensemble
de son texte.
A côté de la compilation de teneur strictement ecclésiastique
(1131-1135), une autre se forme parallèlement, qui consiste à
réunir en un volume les deux textes complémentaires que sont
l’Autobiographie de Tylpin et la Bataille de Roncevaux.
Le résultat de cette fusion est l’Histoire de Charlemagne et
de Roland placée cette fois tout entière sous la responsabilité
autobiographique de l’archevêque Turpin qui retrouve son nom de
guerre. Le contenu des deux composantes qui s’y trouvent réunies
est modifié en conséquence. Puisque les temps ont changé,
le personnage de Charlemagne dans la première partie prend les traits
de l’empereur d’Espagne Alphonse VII, dans la seconde partie l’archevêque
Turpin est éloigné du combat de Roncevaux, auquel il doit survivre
pour en parler savamment. Les deux parties reçoivent en outre un grand
nombre d’adjonctions pieuses qui leur donnent un caractère parénétique
et moralisateur.
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