< Pendant que nous
parlons d'hospitaliers, de championnats du monde,
d'ampoules et autres histoires de bobonnes, etc.,
l'histoire actuelle du Camino prend une autre
tournure. Je ne cesserai jamais de le dire : nous
finirons avec un magnifique réseau d'auberges sur le
Chemin de Rien du tout.
On est en train de nous voler le Chemin.
Littéralement. Mètre par mètre, pierre par pierre,
village par village.
Un peu d'histoire : en 1996, une équipe dirigée par
l'architecte Jesús Arsenio Díaz a récupéré et sauvé le
très ancien Chemin qui longeait l'Oribio, de Samos à
Sarria. C'était un rêve qu'Elias Valiña n'avait jamais
pu réaliser. Ce travail (de même que le reste de la
récupération du Camino francés en Galice) leur a valu
le prix Europa Nostra, ainsi que la reconnaissance de
cette partie du Chemin par l'Unesco et la Xunta de
Galicia. C'est un lieu d'une beauté stupéfiante.
Eh bien, le maire despotique de Samos a asphalté ce
chemin et abattu des chênes centenaires. Nos
protestations et nos manifestations n'ont servi à
rien. De plus, le monde jacquaire nous a abandonnés,
trop occupé qu'il était d'hospitalité et de concours
de photos.
Revenons en 2002. L'autre jour, les moines de Samos
nous ont appelés, angoissés. On a l'intention de créer
une zone industrielle juste à côté de chez eux (du
tunnel du Chemin jusqu'au monastère). Nous avons déjà
présenté nos arguments contre et nous sommes montés
aux barricades. C'est la guerre.
Ils veulent transformer Samos en une Manhattan de «
corredoira », comme Triacastela. Ce qui est
décourageant, c'est que cette zone industrielle n'est
conçue que pour deux raisons : loger les hangars d'une
carrière voisine et attirer les subventions. La zone
s'étendra depuis le tunnel où le Camino traverse la
route jusqu'aux murs mêmes du monastère.
L'Unesco n'a-t-il pas désigné le Camino Patrimoine de
l'humanité? Certes, mais bientôt, il nous passeront
dessus. La zone industrielle se fera, n'en doutez pas,
et sur le Camino.
Les premières escarmouches ont déjà eu lieu. Pour
l'instant (contrairement à ce qui s'est passé dans
d'autres occasions « glorieuses »), l'ennemi n'a pas
réussi à nous mettre le village à dos avec des « Vous
êtes contre le progrès! »). Les voisins sont indignés
de voir qu'on les prive de la seule terre utile de
toute la vallée.
Le gant est jeté et nous sommes en pourparlers avec la
Xunta, diverses institutions, le ministère de la
culture, l'Unesco. En outre, nous commencerons à
informer tous les aubergistes à partir de Villafranca,
dans l'espoir qu'ils informeront les pèlerins. Les
pauvres moines (qui crèvent de peur) sont
reconnaissants de toute manifestation de solidarité.
Ayez la bonté de divulguer cette horreur, pour faire
honte à « certaines personnes ». Ou nous arrêtons ce
massacre, ou rien sur le Chemin ne sera à l'abri. Et
si nous perdons, comme c'est probable, au moins nous
aurons lutté et personne ne pourra jamais nous dire :
« Où étiez-vous lorsqu'ils ont détruit Samos? »
José Antonio de la Riera
Défenseur du Camino un des responsables de la
signalisation des chemins en Galice et au Portugal"
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