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La dévotion et les cultes à saint Jacques ont donné lieu à la création d'un patrimoine varié. Plus de 700 objets ont été recensés par Jean Roudier dans les quatre départements bretons et en Loire Atlantique. Nous présentons ci-dessous une analyse de l'ouvrage qu'il a consacré à cet inventaire.
Saint
Jacques en Bretagne, Culte et patrimoine Réalisé par un amateur, ancien pèlerin de Compostelle,
ce livre présente un inventaire des richesses de la Bretagne
héritées
des cultes et de la dévotion à saint Jacques. Plus de 700
sites ou objets répartis dans les quatre départements bretons
plus la Loire-Atlantique y sont répertoriés et décrits.
Fruit de plusieurs années de travail, cet inventaire très
complet sera utile à tous ceux qui connaissent la Bretagne ou
souhaitent la découvrir. Des cartes, tables et index topographiques
et thématiques par départements en facilitent la consultation.
Un cahier hors-texte de 16 pages en quadrichromie donne un aperçu
coloré des différentes catégories d’œuvres
présentées ; il complète les nombreuses illustrations
en noir et blanc. Le lecteur saura gré à l’auteur
d’avoir inséré ces images qui rompent la monotonie
du style, parfois lassant, des historiens de l’art. L’ouvrage
présente avec de brefs historiques tous les édifices religieux
comportant un objet en relation avec saint Jacques quel qu’en soit
le patronyme. Parmi ces objets, tous décrits en détail,
figurent quelques trouvailles d’un grand intérêt.
Il est également fait mention des édifices disparus. (Il
est dommage que les descriptions d’édifices soient en gros
caractères alors que tout ce qui est spécifiquement jacquaire
est en caractères plus petits. Un choix d’édition
inverse aurait été plus conforme à l’objectif
de l’ouvrage). Tout ceci en fait un excellent outil de travail
pour les chercheurs. Agréable à consulter et bien documenté il
servira à la préparation de voyages touristiques en Bretagne.
Sa consultation sera utile à tous les organismes soucieux de la
préservation et de la mise en valeur du patrimoine ainsi qu’à toutes
les municipalités qui y trouveront des arguments pour se situer
sur un « chemin de Compostelle ». Mais l’ouvrage a un autre objectif. Il prétend « recadrer
les connaissances des lecteurs peu familiers du phénomène
jacquaire ». Comme cadre l’auteur a choisi celui
des associations de pèlerins. Ce livre invite donc à une
réflexion sur le pèlerinage contemporain.
Son édition a reçu le soutien de l’association
bretonne des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le
nombre croissant de pèlerins et la cinquantaine d’associations
similaires en France permettent effectivement de parler
de phénomène. L’ouvrage illustre bien
ce phénomène contemporain qui, sur la base
d’hypothèses des années 1950, ôte
tout esprit critique quand il s’agit de comprendre
le patrimoine jacquaire. L’auteur a lui-même été influencé par
ce phénomène. S’il fait preuve d’un
peu de prudence dans son introduction, il est vite repris
par l’ambiance dans laquelle il est plongé.
Il lui fallait apporter des justifications à ceux
qui voulaient baliser des centaines de kilomètres
de « chemins de Compostelle » contemporains
en Bretagne. Il avoue parfois son ignorance ou son enthousiasme.
Mais pour un lieu dont il dit qu’il « aime croire
qu’il perpétue le souvenir d’un pèlerinage » combien
d’autres sont-ils estampillés d’un label
de témoin d’un passage de pèlerin de
Compostelle sans autre preuve que le nom de Saint-Jacques,
voire le passage de marchands ? Une caractéristique
du phénomène est donc une certaine démesure
dans l’appréciation des vestiges des cultes à saint
Jacques. Cette démesure, héritée des
hypothèses des premiers chercheurs, « recadre » les
connaissances en les déformant ou cache l’absence
de connaissances sous des affirmations non fondées
ou des suppositions gratuites*
Peut-on dire que ce second objectif est aussi bien atteint que le premier ? Ce livre plaira incontestablement aux pèlerins de Compostelle qui tiennent pour confirmées les hypothèses des années 1950. Pour eux le recadrage sera confirmation de ce qu’ils savent. Ils y retrouveront toutes les idées qui leur sont chères et tous les poncifs que véhiculent leurs associations. Tout pèlerin devient, comme eux, un pèlerin de Compostelle et tous les sites au nom Saint-Jacques deviennent des preuves qu’un pèlerin de Galice est passé par là. Qu’en sera-t-il des lecteurs non familiers du phénomène jacquaire ou des lecteurs possédant les connaissances autres que celles des associations de pèlerins ? Qu’en sera-t-il des journalistes qui relaient complaisamment les discours convenus ? Tous n’auront sans doute pas les clés de lecture leur permettant de faire la part entre pèlerinages et cultes locaux et traces du pèlerinage galicien. Ils feront, comme l’auteur de la préface et admettront que tout ce qui est jacquaire est témoin de « l’engagement dans le pèlerinage vers le tombeau de saint Jacques en Galice ». Ils nous feront alors penser que recadrage peut rimer avec bourrage. Quoi qu’il en soit, il reste à souhaiter, en conclusion, que toutes les associations de pèlerins en France publient un travail d’inventaire aussi fouillé que celui de Jean Roudier.
* Voici quelques exemples d’approximations ou de généralisations
abusives : |
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