Connaître saint Jacques - Comprendre Compostelle
page établie en février 2003
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Saint Jacques en Bretagne

La dévotion et les cultes à saint Jacques ont donné lieu à la création d'un patrimoine varié. Plus de 700 objets ont été recensés par Jean Roudier dans les quatre départements bretons et en Loire Atlantique. Nous présentons ci-dessous une analyse de l'ouvrage qu'il a consacré à cet inventaire.

Saint Jacques en Bretagne, Culte et patrimoine
Jean Roudier, aux éditions Label LN, oct. 2005,
Format 24x31, 328 p, 46 Euros
ISBN 2-915915-09-1

Réalisé par un amateur, ancien pèlerin de Compostelle, ce livre présente un inventaire des richesses de la Bretagne héritées des cultes et de la dévotion à saint Jacques. Plus de 700 sites ou objets répartis dans les quatre départements bretons plus la Loire-Atlantique y sont répertoriés et décrits. Fruit de plusieurs années de travail, cet inventaire très complet sera utile à tous ceux qui connaissent la Bretagne ou souhaitent la découvrir. Des cartes, tables et index topographiques et thématiques par départements en facilitent la consultation. Un cahier hors-texte de 16 pages en quadrichromie donne un aperçu coloré des différentes catégories d’œuvres présentées ; il complète les nombreuses illustrations en noir et blanc. Le lecteur saura gré à l’auteur d’avoir inséré ces images qui rompent la monotonie du style, parfois lassant, des historiens de l’art. L’ouvrage présente avec de brefs historiques tous les édifices religieux comportant un objet en relation avec saint Jacques quel qu’en soit le patronyme. Parmi ces objets, tous décrits en détail, figurent quelques trouvailles d’un grand intérêt. Il est également fait mention des édifices disparus. (Il est dommage que les descriptions d’édifices soient en gros caractères alors que tout ce qui est spécifiquement jacquaire est en caractères plus petits. Un choix d’édition inverse aurait été plus conforme à l’objectif de l’ouvrage). Tout ceci en fait un excellent outil de travail pour les chercheurs. Agréable à consulter et bien documenté il servira à la préparation de voyages touristiques en Bretagne. Sa consultation sera utile à tous les organismes soucieux de la préservation et de la mise en valeur du patrimoine ainsi qu’à toutes les municipalités qui y trouveront des arguments pour se situer sur un « chemin de Compostelle ».

Mais l’ouvrage a un autre objectif. Il prétend « recadrer les connaissances des lecteurs peu familiers du phénomène jacquaire ». Comme cadre l’auteur a choisi celui des associations de pèlerins. Ce livre invite donc à une réflexion sur le pèlerinage contemporain. Son édition a reçu le soutien de l’association bretonne des amis de Saint-Jacques-de-Compostelle. Le nombre croissant de pèlerins et la cinquantaine d’associations similaires en France permettent effectivement de parler de phénomène. L’ouvrage illustre bien ce phénomène contemporain qui, sur la base d’hypothèses des années 1950, ôte tout esprit critique quand il s’agit de comprendre le patrimoine jacquaire. L’auteur a lui-même été influencé par ce phénomène. S’il fait preuve d’un peu de prudence dans son introduction, il est vite repris par l’ambiance dans laquelle il est plongé. Il lui fallait apporter des justifications à ceux qui voulaient baliser des centaines de kilomètres de « chemins de Compostelle » contemporains en Bretagne. Il avoue parfois son ignorance ou son enthousiasme. Mais pour un lieu dont il dit qu’il « aime croire qu’il perpétue le souvenir d’un pèlerinage » combien d’autres sont-ils estampillés d’un label de témoin d’un passage de pèlerin de Compostelle sans autre preuve que le nom de Saint-Jacques, voire le passage de marchands ? Une caractéristique du phénomène est donc une certaine démesure dans l’appréciation des vestiges des cultes à saint Jacques. Cette démesure, héritée des hypothèses des premiers chercheurs, « recadre » les connaissances en les déformant ou cache l’absence de connaissances sous des affirmations non fondées ou des suppositions gratuites*
L’ouvrage de Jean Roudier n’échappe pas à certaines exagérations que la référence à des historiens récents aurait pu lui éviter. Il est parfois induit en erreur par ses interlocuteurs, tels ce maire qui lui affirme qu’une coquille sur le clocher de l’église du village témoigne du passage de pèlerins de Compostelle. Malgré les précautions qu’il prend dans l’introduction, l’auteur, dans son souci de lier ces témoignages bretons au culte qui était rendu à saint Jacques en Galice, reproduit au XXIe siècle les erreurs des chercheurs des années 1950-1970. Les livres qu’il cite en bibliographie montrent d’ailleurs qu’il a omis de consulter les ouvrages d’histoire les plus récents qui auraient pu lui éviter ces erreurs.

Peut-on dire que ce second objectif est aussi bien atteint que le premier ? Ce livre plaira incontestablement aux pèlerins de Compostelle qui tiennent pour confirmées les hypothèses des années 1950. Pour eux le recadrage sera confirmation de ce qu’ils savent. Ils y retrouveront toutes les idées qui leur sont chères et tous les poncifs que véhiculent leurs associations. Tout pèlerin devient, comme eux, un pèlerin de Compostelle et tous les sites au nom Saint-Jacques deviennent des preuves qu’un pèlerin de Galice est passé par là. Qu’en sera-t-il des lecteurs non familiers du phénomène jacquaire ou des lecteurs possédant les connaissances autres que celles des associations de pèlerins ? Qu’en sera-t-il des journalistes qui relaient complaisamment les discours convenus ? Tous n’auront sans doute pas les clés de lecture leur permettant de faire la part entre pèlerinages et cultes locaux et traces du pèlerinage galicien. Ils feront, comme l’auteur de la préface et admettront que tout ce qui est jacquaire est témoin de « l’engagement dans le pèlerinage vers le tombeau de saint Jacques en Galice ». Ils nous feront alors penser que recadrage peut rimer avec bourrage.

Quoi qu’il en soit, il reste à souhaiter, en conclusion, que toutes les associations de pèlerins en France publient un travail d’inventaire aussi fouillé que celui de Jean Roudier.

 

* Voici quelques exemples d’approximations ou de généralisations abusives :
p. 281 « les pèlerins y étaient peut-être reçus »
p. 262 lithographie du pèlerin de Compostelle ?
p. 256 la fontaine ne comporte pas de signe jacquaire … les pèlerins passaient obligatoirement …
p. 228 « les religieux appauvris furent contraints de refuser l’hospitalité aux pèlerins […] ceci confirme le rôle de l’abbaye comme gîte pour les pèlerins de Compostelle … »
p.225 « Moulin du pèlerin […] l’origine du nom que l’on peut supposer sans crainte liée au pèlerinage »
p.223 « une niche-crédence en forme de coquille Saint-Jacques fait dire que Pannecé serait un lieu de passage pour Saint-Jacques-de-Compostelle »
p.208 « Clisson était point de passage du chemin des marchands. C’est ce chemin qu’empruntaient les pèlerins de Compostelle. » Cette affirmation n’étant étayée que par l’existence de lieux-dits saint-Jacques.
… etc …

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