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Accueil mise à jour le 9 septembre, 2005 Connaître saint Jacques. Comprendre Compostelle. survol du site Page précédente
 

A Oviedo, un exorcisme réussi grâce à saint Jacques

La cathédrale Saint-Sauveur d’Oviedo est aujourd’hui une étape bien connue de certains pèlerins de Compostelle, ceux qui arrivent par l’une des voies du Nord. On y visite en particulier la chapelle dite la Camara Santa qui fut l’objet d’un pèlerinage si couru qu’au XIIIe siècle, une constitution du roi Alphonse VIII mentionne à la fois les pèlerins de Saint-Jacques et de Saint-Sauveur d’Oviedo. Ne disait-on pas que les pèlerins doivent rendre visite au Seigneur avant d’aller voir son serviteur saint Jacques ? Cette Camara Santa abritait des reliques originaires de Jérusalem, rapportées de Tolède, dit-on, au IXe siècle par le roi Alphonse II pour les protéger des invasions musulmanes. La plus célèbre de ces reliques est un morceau de la Vraie Croix (dite la Croix des Anges), à laquelle s’ajoutent un morceau du saint Suaire, une des six bouteilles de vin restant des noces de Cana, un soulier de saint Pierre…

Ce qu’on a oublié, c’est qu’au Moyen Age existait dans la cathédrale une chapelle Saint-Jacques où étaient conservées des reliques de l’apôtre. Et que cette chapelle était un but de pèlerinage. Un texte daté de 1180 accompagne une notice relatant l’arrivée de plusieurs reliques, dont celle de saint Jacques, en provenance de Jérusalem. Ce long texte raconte en détail la «possession» d’une jeune fille par le démon, et sa guérison, survenue après un exorcisme pratiqué dans la chapelle Saint-Jacques de la cathédrale, grâce à l’intervention de saint Jacques qui suivait la jeune fille depuis le début de sa maladie. En voici un résumé succint :

Au XIIe siècle, une fille née, peut-être à Toulouse, de relations illégitimes, fut donnée au démon à l’âge de sept mois. Il l’élève comme une princesse. Lorsqu’elle eut seize ans, il l’amène à l’abbaye de Jaca, la laisse seule un instant, le temps d’entrer au monastère «pour tourmenter les moines». Pendant ce temps, saint Jacques apparaît et grave le signe de la croix sur le majeur gauche de la jeune fille. À son retour, furieux, Satan pénètre le corps de la jeune fille et s’exprime violemment par sa bouche. Incapables de secourir la jeune fille, les moines effarés la gardent en leur monastère, mais, au bout d’une année sans résultats, ils lui conseillent d’aller chercher guérison à Oviedo ou à Saint-Jacques à Compostelle.

Arrivée à Oviedo, elle entre dans la cathédrale et se prosterne en hurlant devant les reliques de la Camara Santa. Un chanoine-exorciste lui serre le cou de son étole pour étouffer les paroles du Diable (ce sont les pratiques courantes de l’époque). Il n’arrête qu’en voyant gonfler le corps de la jeune fille ! Le Diable reprend souffle et menace de dévoiler des secrets inavouables. Le chanoine, qui sait que le Malin fuit devant la Croix, apporte la Croix des Anges. Échec. La possédée étouffe de nouveau, et gonfle. Enfin, on lit l’Évangile. Toujours en vain. On fait appel ensuite à des enfants qui demandent au Diable de fuir, pensant que leur pureté serait plus efficace que les prières adultes. Effectivement, terrorisé enfin, le Diable gémit : «ces voix me torturent».

Le chanoine a enfin l’idée d’appeler saint Jacques à l’aide. La scène suivante se déroule donc dans la chapelle Saint-Jacques de la cathédrale, en présence des reliques de l’apôtre. Brusquement, le Malin cède, quitte le corps de la jeune qui reste inanimée. On la reconduit ensuite devant l’autel du Saint-Sauveur, mais, saisie de nouveau par le démon, elle s’envole et retombe sur le pavé, battue par le Malin qui crie et répète qu’elle est à lui. Après plusieurs aller-retours entre la chapelle du Saint-Sauveur et celle de Saint-Jacques, le Diable mord le chanoine, entre à nouveau dans le corps de la jeune fille, laquelle est à nouveau étranglée par l’étole du chanoine furieux.

Dans la scène finale, le Diable part définitivement du corps de la malheureuse créature en lançant un terrible aboiement. Et la jeune fille cesse de manger des herbes crues comme elle le faisait auparavant et mange du pain et des aliments dont se nourrissent les hommes. Elle part alors pour Saint-Jacques, Sainte-Marie de Rocamadour et Saint-Thomas de Cantorbery, puis vers Jérusalem et le Saint-Sépulcre.

Denise Péricard-Méa

 Miracle de la possédée d'Oviedo, éd. Ch. Köhler,
Revue de l'Orient Latin, t.V, 1897, p.13-21

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