mise à jour le 15 août, 2006 | survol du site | Page précédente | Accueil |
Jacques et Juliette Damville sont artistes et pèlerins. Nous avons parlé d'une de leurs oeuvres, la fontaine Saint-Pierre de Plougastel. Dans l'article suivant, écrit en 2001 pour la revue Céramique et Verre, Jacques nous révèle la genèse d'un ensemble qu'ils ont composé sur la colline Sainte-Hélène, au lieu où un ermite fut martyrisé en 1700, conservé localement comme un pèlerinage.
Sur une colline dominant la vallée de
l'Epte, se dresse un tilleul multicentenaire. Cette colline, appelée
Mont Sainte-Hélène, attire le regard et
intrigue par l'harmonie et la pureté de
son dessin. Rien de surprenant que ce
lieu ait été voué à différents cultes
depuis la préhistoire. Un calvaire rappelle que tous les ans les
habitants de la vallée gravissaient la pente en procession, et cela depuis 1700.
Cette année-là, un soir d'hiver de janvier, le
tilleul fut témoin d'un terrible drame.
Un ermite vivait là dans une petite
pièce attenante à la chapelle. On le
retrouva mains et pieds brûlés, la tête
lacérée par un fagot d'épineux, les
membres marqués de nombreux coups
d'épée...
| |
«L'esprit des lieux » nous habite, nos
arguments sont incontournables ! Et
finalement le maire nous propose de
remplacer le calvaire. Son fût en
béton simili bois prend du gîte et
risque de « déposer » son Christ en
fonte sans se soucier des dates tradi-
tionnelles... Vue de l'arbre, cette
croix située à quelques dizaines de
mètres en contrebas, semble sortir de
terre. Le lieu est très chargé, sauvage,
c'est intimidant. Mais le dialogue
table d'orientation-calvaire réveille
les questions essentielles ! Mobilisés
au plus profond, nous décidons avec
Juliette d'offrir en plus à la commune
un troisième élément : une stèle qui
permettra à la fois de rappeler le supplice du vieil ermite et de réenterrer
ses ossements qui attendent dans des
sacs en plastique à la mairie. Elle sera
le témoin permanent du questionnement métaphysique : dialectique
de l'horizontale de la table et de la verticale du calvaire, le profane,
le sacré...
Les tortures subies par Jean Sacy font
écho à celles du Christ et les actualisent... Le constat de police
de 1700 est gravé à l'identique (graphie et
orthographe) au dos de la stèle, l'évocation imagée de
l'ermite est une sorte de voile de Véronique. Pas de
rupture entre le profane et le sacré.
La table est pensée comme un petit
temple pour honorer la beauté du
monde. Son oculus doré qui s'ouvre
sur un des supports, fait un clin d'œil
à
la mandorle dorée de la croix. Les
mêmes graphismes végétaux et les
gravures d'animaux ornent les deux
monuments. Le texte en relief sur le
socle du calvaire est choisi « écologique » : Hymne à Frère
Soleil de Saint François d'Assise.
| |
En installant les monuments, nous avons été frappés par le fait que les hasards de la topographie créaient une autre trilogie : vieux tilleul - stèle - table d'orientation, plus païenne celle- là. Comme si notre arbre-fétiche nous rappelait qu'il n'avait jamais cesser d'orchestrer notre inspiration et qu'il était, autant que le calvaire, à la source de notre profession de foi : ne pas imposer une esthétique de la rupture mais rechercher l'harmonie et la connivence ; la table devenait un autel dédié à l'émerveillement. Nous nous sommes mis à l'école des orchidées, nombreuses tout autour : repenser la fonction de la séduction ! Nous avons fait poser la belle Ophrys-bourdon. « Séduire, dit-elle, pour féconder ! »
|
Stèle à la mémoire de Jean Sacy, ermite | Table d'orientation du Mont Sainte-Hélène |
La propriété intellectuelle du contenu de ce site est protégée par un dépôt à la Société des Gens de Lettres
Page précédente | haut de page | Accueil |
|